Loi anti-gaspillage : quelles conséquences pour le numérique ?

Publié le 01 février 2021
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Gaspillage de matériel électronique - Image de Hafidh Satyanto sur Unsplash

Votée à l’Assemblée Nationale et au Sénat à l’unanimité le 30 janvier 2020, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire est destinée à lutter contre les différentes formes de gaspillage et à transformer l’économie linéaire d’aujourd’hui en une économie circulaire. Les 130 articles qui la composent seront fixés par décrets entre 2021 et 2025. Elle concerne cinq grands axes : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et enfin, mieux produire. Une loi aux grandes ambitions donc, qui remet en question les pratiques du numérique. Mais concrètement, que va-t-elle changer pour ce secteur en particulier ?

Des consommateurs mieux informés

Les objets numériques (smartphones, ordinateurs, tablettes…) impactent l’environnement tout au long de leur cycle de vie, et particulièrement pendant la période de leur utilisation effective. Comme l’explique Vincent Courboulay , enseignant-chercheur à l’Université de La Rochelle, et co-fondateur de l’Institut du Numérique Responsable : « Lorsque vous achetez une voiture, ce qui pollue c’est d’en acheter une neuve puis de laisser tourner le moteur. C’est pareil pour le numérique, ce qui pollue vraiment c’est l’achat et ensuite de laisser tourner les serveurs. »  Encore faut-il avoir conscience des dépenses énergétiques que provoquent notre utilisation du numérique. Puisqu’il est difficile de résoudre un problème qu’on ne peut pas mesurer, les fournisseurs mobiles et internet seront dans l’obligation, dès le 1er janvier 2022, d’afficher l’information de la quantité de données consommées par l’activité numérique d’un produit, ainsi que l’émission de gaz à effet de serre correspondante. Cette mesure devrait ainsi permettre de sensibiliser le consommateur sur son impact écologique.

Par ailleurs, le document de facturation fourni après un achat devra, dès cette même date, indiquer l’existence et la durée de la garantie légale de conformité. D’une durée de deux ans pour le neuf et de six mois pour les achats d’occasion, elle permet d’obtenir gratuitement la réparation ou le remplacement d’un produit défectueux. Un fait peu connu puisque, selon le document de référence à cette loi,  seuls 57% des vendeurs informent aujourd’hui leurs clients de la durée de cette garantie.

Une lutte contre le gaspillage

On dit que le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas. Dans le but de repenser la surproduction, la loi anti-gaspillage prévoit ainsi d’interdire la destruction des invendus non alimentaires. Les entreprises devront désormais recycler ou donner leurs invendus, une mesure qui concerne notamment les produits électroniques et électroménagers.

Agir contre l’obsolescence programmée

réparation d'un smartphone - Image de Killian Seiler sur Unsplash
Image de Killian Seiler sur Unsplash

En 2019, le numérique représentait 53 Millions de Tonnes de déchets électriques. Par Français, cela équivaut à 20kg de déchets par an, dont moins de 20% sont recyclés. Ces quelques chiffres nous éclairent sur l’urgence de tendre vers un usage du numérique plus responsable, une démarche qui sera aidée par l’entrée en vigueur le 1er janvier 2021 des articles suivants :

Un indice de réparabilité

Cinq catégories de produits pilotes (smartphones, ordinateurs, téléviseurs, lave-linge et tondeuses à gazon) doivent désormais afficher un indice de réparabilité sur le produit ou son emballage. Il s’agit d’une note sur 10, matérialisée par une couleur (du rouge vif au vert foncé). L’objectif premier de cette mesure est d’atteindre 60% de taux de réparation des produits électriques et électroniques d’ici cinq ans (contre 40% aujourd’hui). À partir du 1er janvier 2024, certains équipements électriques et électroniques afficheront également un indice de durabilité. Cela devrait permettre aux consommateurs de mieux réfléchir à leurs achats, en se demandant si le bien dans lequel ils s’apprêtent à investir vaut la dépense sur le long terme.

Réparer au lieu de jeter

Dans son livre Pour une écologie numérique, Eric Vidalenc prône la sobriété technologique ou numérique. Cette démarche, qui vise à mener des actions concrètes pour réduire l’impact du numérique sur l’environnement, a été propulsée en 2008 par l’AGIT (Alliance GreenIT), dont OpenStudio est membre. Aujourd’hui, la loi anti-gaspillage devrait permettre de généraliser ces bonnes pratiques. Elle prévoit notamment, lors d’un achat électrique et électronique, l’affichage d’une liste des pièces détachées disponibles pour l’appareil. Le fabricant dispose quant à lui d’un délai de 15 jours pour mettre les pièces détachées à disposition du vendeur ou du réparateur. Pour favoriser l’économie circulaire, les réparateurs sont également désormais dans l’obligation de proposer des pièces détachées d’occasion, favorables à l’environnement.

Informer sur la compatibilité logicielle des mises à jour

Désormais, les fabricants et vendeurs de téléphones ou tablettes devront informer les consommateurs de la durée pendant laquelle leur appareil supportera les mises à jour successives. Une information qui guidera les achats des consommateurs, à l’heure où 40 smartphones sont achetés chaque seconde dans le monde…

Les mises à jour, qu’elles soient correctives ou évolutives, peuvent empêcher de garder un niveau de fonctionnalité et de performance en usage dit normal. On parle alors d’obsolescence logicielle. Désormais, les fabricants et vendeurs de téléphones ou tablettes devront informer les consommateurs de la durée pendant laquelle leur appareil supportera les mises à jour successives. Une information qui guidera les achats des consommateurs, à l’heure où 40 smartphones sont  achetés chaque seconde dans le monde…

Créer des fonds réparation

Les filières REP (Responsabilité Élargie du Producteur) – qui doivent prendre en charge, notamment financièrement, la gestion de leurs déchets – devront financer des fonds de réparation, via leur éco-organisme. Cela permettra, chez un réparateur labellisé, de réduire le coût de la réparation pour le consommateur. La loi anti-gaspillage espère ainsi faire réfléchir les individus à deux fois avant d’investir dans un nouvel appareil, en les incitant à la réparation qui est économiquement intéressante et plus favorable à l’environnement. Le calendrier d’application de cette mesure sera propre à chaque filière.

Recourir à l’impression 3D pour réparer les objets

Si une pièce détachée n’est plus disponible sur le marché et peut être fabriquée par impression 3D, le fabricant ou importateur doit fournir aux vendeurs professionnels ou réparateurs qui le demandent les plans de fabrication. Cette mesure fournit un cadre légal à l’impression 3D pour la réparation, tout en respectant le droit de la propriété intellectuelle. Elle sera effective dès le 1er janvier 2022. 

De meilleures méthodes de production

planisphère sur l'herbe - Image de Guillaume de Germain sur Unsplash
Image de Guillaume de Germain sur Unsplash

Étendre la responsabilité des industriels

Le document de référence à la loi anti-gaspillage indique qu’en France, en vertu du principe pollueur-payeur, celui qui fabrique un produit doit financer sa fin de vie. C’est la Responsabilité Élargie du Producteur, mentionnée plus haut.  Les équipements électriques et électroniques sont déjà concernés par cette réglementation, qui englobera de nouveaux produits entre 2021 et 2024.

Création de plans quinquennaux d’écoconception

Les producteurs soumis à la Responsabilité Élargie du Producteur, notamment ceux d’équipements électriques et électroniques, devront élaborer tous les 5 ans un plan d’action, de prévention et d’écoconception de leurs produits afin que ceux-ci comprennent plus de matières recyclées et deviennent également plus recyclables.

Un système de bonus-malus pour un plus grand respect de l’environnement

Depuis le 1er janvier 2021, les produits conçus de manière écologique apportent un bonus à leurs fabricants. Celui-ci s’applique sur la contribution qu’ils versent à leur éco-organisme pour la gestion et le traitement de la fin de vie de leurs produits dans le cadre de la REP. Tous les produits faisant partie d’une filière REP sont concernés, notamment les produits électriques et électroniques. Cette information sera visible pour le consommateur et lui permettra de choisir des produits conçus de manière écologique. Cela obligera aussi les industriels à repenser en profondeur leurs productions et emballages.

Depuis le 1er janvier 2021, les produits conçus de manière écologique apportent un bonus à leurs fabricants.

Vers un numérique responsable

L’article L110-1-1 du code de l’environnement stipule que  « la transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […] » Il est effectivement grand temps de faire face à l’explosion du numérique actuelle, qui met l’environnement en péril. Produire et consommer des biens plus durables et réparables permettrait des économies d’énergie et de ressources importantes. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire apparaît donc comme un bon moyen de sensibiliser la population et l’inciter à se tourner vers le numérique responsable, moins énergivore et plus favorable à l’environnement.

En tant qu’entreprise du numérique soucieuse de son impact environnemental, OpenStudio s’inscrit dores et déjà dans cette démarche et espère obtenir le label Numérique Responsable pour 2021. En ce sens, nous allons mettre en place de nombreuses solutions écologiques pour diminuer l’empreinte carbone de nos agences physiques. Nous privilégions par exemple l’achat de matériels reconditionnés et/ou d’occasions qui respectent les normes environnementales. Dans la même optique, nous avons décidé d’augmenter la durée de vie des matériels informatiques dans nos agences puis de supporter l’économie circulaire en faisant don du matériel qui ne nous sert plus. OpenStudio a également installé des NAS moins gourmands en énergie qui permettent en plus d’un stockage classique de données, la mise en place de serveurs Dockers ( moins consommateurs que des machines virtuelles ), ainsi que différents outils d’édition et de partage de documents, de messagerie interne, etc…

Conscients que tous les gestes comptent dans cette lutte pour le climat, nous demandons à nos collaborateurs d’éteindre leurs ordinateurs lorsqu’ils sont en pause et avant de quitter leur bureau, ainsi que de nettoyer régulièrement leurs boîtes mails. Nous souhaitons également favoriser le télétravail, particulièrement pour les collaborateurs qui utilisent un moyen de locomotion polluant pour venir dans nos locaux (39% chez OpenStudio) et avons fait le choix d’un fournisseur d’électricité verte pour nos agences (planète OUI). 

Spécialisée, entre autres, dans l’intelligence artificielle, OpenStudio fait également partie du groupe de recherche “IA Responsable” au sein de l’Institut du Numérique Responsable dans le but de trouver des pistes pour une intelligence artificielle moins énergivore. Dans cette même optique, nous avons publié en 2020 un livre blanc sur l’Intelligence Artificielle et la Protection de l’Environnement

Pour consulter les 130 articles de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, cliquez ici.