Conférence Orbimob’ : L’Intelligence Artificielle (IA) au coeur de la smart city

Publié le 19 février 2021
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Photo d'une smartcity - Image de Desnys Nevozhai sur Unsplash

Alexandre Alaimo, fondateur de la startup Odeven et chef de projet chez OpenStudio, a participé à l’événement Orbimob’ le 5 novembre 2020, au Puy-en-Velay. Dans sa conférence, « L’Intelligence Artificielle au cœur de la smart city, gestion et optimisation des flux urbains”, il présente la manière dont il est concrètement possible d’utiliser l’Intelligence Artificielle pour limiter les problématiques environnementales posées par le trafic urbain.

La démarche Orbimob’ pour une mobilité durable

OrbiMob’ est un collectif regroupant des acteurs focalisés sur la mobilité durable, en Auvergne et sur la métropole clermontoise. L’organisation s’est lancée le défi de devenir, dans les six prochaines années, un pôle de référence dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’expérimentation et de la mobilisation citoyenne sur la mise en place de mobilités territoriales performantes et durables

Du 2 au 6 novembre 2020 s’est tenue la première phase de mobilisation territoriale et d’action au cours de laquelle ont eu lieu une série de manifestations évoquant différentes facettes de la transformation nécessaire des mobilités. Les sujets du numérique, de la dynamique de transformation et de l’énergie avaient notamment leur place au programme.

La visioconférence d’Alexandre Alaimo s’est déroulée en distanciel le 5 novembre 2020. Le thème de cette journée, qu’OpenStudio a aidé à organiser, était celui de la Transformation des mobilités et de l’énergie décarbonée.

Smart city, Intelligence Artificielle et mobilité durable au programme de cette conférence

Pour débuter sa conférence, Alexandre Alaimo a posé les bases en définissant l’Intelligence Artificielle comme étant “l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre afin de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence”. Il a ensuite explicité les deux points fondamentaux du machine learning : apprendre et s’adapter à des situations nouvelles.

Les réseaux de neurones

Pour faire comprendre le fonctionnement du machine learning, utilisé dans 90% des cas en IA, il a fallu expliquer ce que sont les réseaux de neurones : sur la base du biomimétisme, ils sont “semblables à un tissu qui possède une couche d’entrée, dans laquelle on fait entrer des données ; une couche de sortie, qui correspond aux différentes actions que peut prendre le réseau ; et des couches cachées.” C’est grâce à l’évolution de la puissance des machines et à l’utilisation de cartes graphiques, que l’utilisation des réseaux de neurones a pu être généralisée en Intelligence Artificielle.

Constitution d’un réseau de neurones, visuel tiré de la présentation d’Alexandre Alaimo

Leur application la plus commune, la reconnaissance d’image, nécessite – comme toute application d’IA – une phase d’entraînement. Au cours de cette dernière, le réseau de neurones va s’entraîner grâce à une grande quantité de données (ici, des images).

Si je souhaite entraîner un réseau de neurones à reconnaître des pommes, je vais compiler une grande quantité de données d’images et nourrir ce réseau avec ces images. Du côté des sorties, je vais lui donner l’information que ce qu’il est en train de traiter est une pomme. Puis je vais répéter ce processus avec des photos dans d’autres positions, d’autres couleurs et ainsi modifier le poids des liaisons entre neurones.” 

Phase d’entraînement à la reconnaissance d’image,  visuel tiré de la présentation d’Alexandre Alaimo.

C’est cette phase d’entraînement, gourmande en ressources computationnelles, qui va permettre de figer le modèle. Dès qu’il aura été capable d’apprendre, il sera possible de l’utiliser en production, ce qui demandera une force de calculs moindre. Par exemple, les smartphones sont aujourd’hui capables de faire de la reconnaissance sémantique pour proposer une prédiction des mots utilisés dans les messages et faciliter le quotidien.

Pourquoi notre mobilité actuelle pose-t-elle problème ?

Aujourd’hui en France, 83% des actifs utilisent quotidiennement leur véhicule pour se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail. Cette forte dépendance aux véhicules personnels concerne notamment les territoires de villes de taille intermédiaire comme Vichy, une commune avec laquelle travaille en ce moment Odeven.

Pour autant, elle s’applique aussi aux plus grands territoires : à Paris, le réseau de la RATP ne transporte que 7% des franciliens.  Aux yeux d’Alexandre Alaimo, cela pose des questions en termes de création d’offres de mobilité, mais aussi d’urbanisme : par exemple, la création de quartiers autonomes ou encore de bureaux de proximité pourraient répondre aux besoins de déplacements. Des solutions intéressantes, qui méritent d’être prises en considération puisque l’automobile et les transports routiers représentent environ 27% des émissions de gaz à effet de serre par an en France.

De la même manière, l’institut INRIX  évalue le coût des embouteillages en France à plus de 17 milliards d’euros par an. Cela correspond à environ 1900 euros par foyer et par an : une perte lourde en énergie, donc, mais aussi en temps. Ces chiffres illustrent bel et bien le besoin de décarboner notre mobilité et d’optimiser les systèmes de transport pour réduire leur impact et se tourner vers une mobilité plus verte.

L’automobile et les transports routiers représentent environ 27% des émissions de gaz à effet de serre par an en France.

La smart city comme solution

Alexandre Alaimo a poursuivi sa visio-conférence en définissant la smart city comme “une ville utilisant l’informatique pour améliorer la qualité des services urbains et réduire leurs coûts”. 

Si la smart city n’a pas toujours bonne presse – et pour cause, certains projets comme celui du crédit social en Chine, visent à réduire les libertés individuelles – elle peut être positive. En effet, la smart city peut répondre à des problématiques d’optimisation et d’amélioration des conditions de vie des citoyens. C’est dans cet esprit qu’Alexandre Alaimo a créé sa startup Odeven. Spécialisée dans la gestion intelligente du trafic routier, elle a pour but de créer une mobilité plus agréable et durable

Les raisons de la création d’Odeven

Originaire du Puy-en-Velay et témoin des bouchons récurrents, le fondateur d’Odeven s’est demandé comment favoriser l’adoption de systèmes de gestion du trafic routiers plus performants

Le premier principe permettant la démocratisation de ce type de systèmes et mis en place par cette startup est la dématérialisation des données. En effet, aujourd’hui, les systèmes de fluidification du trafic ont recours à de nombreux capteurs physiques au coût de maintenance et d’installation élevé. Pour dématérialiser ces données, Odeven a décidé d’exploiter les données flottantes, issues des smartphones et des véhicules. Concrètement, le système exploite les données utilisées par Waze ou Google Trafic, dans le but de réguler la gestion du trafic.

Un deuxième principe, également mis en place par Odeven, est le recours à des dispositifs de communication sans fil. Là encore, les réseaux de communication physiques demandent l’installation de matériel physique sur la chaussée et, par conséquent, la réalisation de travaux lourds et coûteux.  

Un dernier principe concerne l’automatisation de la création d’algorithmes. Alexandre Alaimo explique qu’il est complexe de gérer un trafic puisqu’il s’agit, comme pour la météo, d’un phénomène fortement dépendant des conditions initiales.

“La moindre variation dans le système peut avoir une dérive non anticipable et non calculable : c’est ce qu’on appelle communément l’effet papillon.”

Pendant la conférence, ce principe a été illustré par les bouchons fantômes : ce phénomène récurrent ne dépend souvent que d’une personne qui freine et qui entraîne une accumulation de véhicules en un point. Cet aspect rend la création d’algorithmes difficile et coûteux, puisqu’il nécessite des traficiens et de nombreuses études trafic. Ces phénomènes, non anticipables, bloquent donc la route à la démocratisation des systèmes de gestion du trafic pour les villes intermédiaires en termes de coût, mais aussi de compétences et de ressources humaines. Des villes plus grandes, comme Lyon par exemple, ont quant-à-elles un centre dédié à la gestion du trafic. 

Partant de ces constats, Alexandre Alaimo et Vincent Marius ont créé Odeven en 2019.

Comment démocratiser la route intelligente ?
Dématérialisation data
Communication sans fils
Automatisation de la création d’algorithmes

Odevia, un système de gestion du trafic routier

Odevia, le système développé par Odeven, dialogue avec des carrefours routiers et permet de suivre leur état en temps réel. Les pannes internes, qui ne sont pas toujours visibles, peuvent ainsi être remontées au système par Odevia et être exploitées par les gestionnaires de l’infrastructure en question. 

Odevia exploite la possibilité, entre autres, de créer des scénarios de trafic pour des événements particuliers (lors d’une sortie de concert par exemple, pour adapter le trafic en conséquence). Le système permet également de récolter des données et va permettre aux gestionnaires de comprendre comment fonctionne la dynamique du trafic de leur ville. En conséquence, ils pourront savoir, par exemple, où est-ce qu’il est nécessaire de créer un axe de circulation ou d’ajouter des transports en commun.

Concernant les données, Odevia travaille avec des prestataires, notamment Here, qui leur fournissent des données flottantes complètement anonymisées. Le business modèle d’Odevia est d’ailleurs double :  en plus de vendre son système, la startup peut aussi vendre les données qui en ressortent.  À terme, Odevia pourrait donc devenir une source de revenus pour la ville, qui mettra à disposition d’acteurs comme Here, des données de circulation. Ces données pourraient valoir beaucoup d’argent pour ces entreprises-là dans le cas où, par exemple, elles amélioreraient, ne serait-ce que de 5%, la capacité des algorithmes de Waze à prédire un bouchon.

Afin de développer Odevia, Odeven a choisi l’apprentissage par renforcement. La création d’un environnement de simulation, où circulent des automobilistes, a été nécessaire. Grâce à la récupération d’un certain nombre de données et aux prises de décisions et d’actions du réseau de neurones sur l’environnement, celui-ci a pu apprendre à améliorer la régulation du trafic. Lors de la conférence Orbimob’, Alexandre Alaimo a expliqué qu’après avoir modélisé le réseau, il a fallu modéliser la demande, puis demander à la simulation de jouer des scénarios différents.  Par exemple, “les plans de feu tricolore et le décalage de ces plans de feu entre les différents carrefours qui constituent le réseau, ont un impact considérable sur l’écoulement du trafic, et donc sur les rejets de co2 et le temps d’attente des automobilistes.”.

À l’inverse du réseau de neurones observé pour la reconnaissance des pommes, nourri par des images, celui utilisé pour Odevia se nourrit de données numériques. Une fois mis en production, des données de fonctionnement réel seront récoltées et permettront de re-nourrir le système, pour ajuster son comportement et la prise de décision des réseaux de neurones, et ainsi en faire un système plus performant.

Une brique d’Intelligence Artificielle qui reste à développer

Pour le moment, Odevia utilise des données flottantes et des communications sans fil de fibre optique, mais n’utilise pas encore de briques d’Intelligence Artificielle. Son moteur de décision est basé sur des algorithmes beaucoup plus conventionnels.

Pour accompagner la startup dans cette mise en place d’une expérimentation grandeur nature, Vichy Communauté s’est montré intéressée pour déployer un système à l’échelle de l’ensemble de la communauté de l’agglomération et donc sur environ 25 carrefours tricolores. Un projet malheureusement mis en pause pour une durée d’un an avec l’apparition de la COVID-19… D’autres acteurs participent au projet en tant que conseillers et partenaires, comme des laboratoires publics. 

Une fois qu’un système de régulation du trafic aura été pleinement développé, la startup pourra imaginer proposer d’autres services. Parmi eux, le suivi de structures (suivre en temps réel leur état afin d’éviter les incidents) ; un module de régulation des vitesses (proposer des vitesses différentes selon l’endroit pour éviter les bouchons fantômes) ou encore un module de conseils, destiné aux gestionnaires des transports publics pour les inciter à adapter les horaires et les points de passage de leur réseau. Sur du plus long terme, et c’est une démarche importante pour les urbanistes, Odeven pourrait faire de la prédiction de la dynamique démographique en vue d’adapter les infrastructures de transport et les infrastructures.

Dans un domaine où il est habituel que s’écoulent 10 ans pour passer de l’idée au concept, Odevia a choisi de se lancer dans un projet au cycle de développement court. Avec l’aide d’OpenStudio, la startup a ainsi pu créer un premier prototype et installer son système en décembre 2019 dans la ville de Cusset. Aujourd’hui, l’application est en restructuration et espère intégrer, dès 2021 une rubrique intelligente.

Pour visionner l’intégralité de la conférence d’Alexandre Alaimo sur l’IA au coeur de la smart City, rendez-vous sur la chaîne youtube d’Orbimob’.

Retrouvez également l’interview d’Alexandre Alaimo, au sujet d’Odeven et des Smart city, menée par OpenStudio pour son livre blanc sur l’Intelligence Artificielle et la protection de l’environnement.