Les labels éco du numérique

Publié le 04 mai 2021
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L’informatique durable, le numérique responsable ou encore le Green IT, voilà un peu de jargon émergeant pour décrire l’évolution des consciences et les initiatives qui ouvrent le chemin vers un secteur du numérique plus vert. Avant d’aller plus loin, il est toujours intéressant de savoir ce qui existe déjà. Faisons le point sur l’ensemble des labels et des normes qui s’évertuent à faire bouger les lignes du numérique.

Il était une fois Energy Star… 

Tout a réellement commencé avec ce label apparu en 1992 aux États-Unis. Il concernait les moniteurs, ordinateurs de bureau et portables, les tablettes, systèmes informatiques intégrés, serveurs et les stations de travail. Ce n’est que dans les années 2000 que les besoins des métiers en matière de développement durables au sein des systèmes d’information des entreprises ont fait leur apparition et par là même, la notion de Responsabilité Sociétale des Entreprises.  

La croissance gargantuesque en termes de puissance de calcul a également fait naître l’élan d’informatique éco-responsable qui est devenu une grande tendance industrielle mise sous pression par les ONG environnementales. C’est en 2008 que la France a publié son premier rapport TIC et développement durable, centré sur les économies d’énergie et les aptitudes au recyclage des équipements informatiques. 

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La loi relative aux Nouvelles Régulations Économiques (NRE) a été votée en 2001, tandis que la notion de Green IT a pris ses marques par le biais de communautés francophones en 2004. Le Grenelle de l’environnement en 2007 a contribué lui aussi au réveil des consciences, tout comme la création de l’Alliance Green IT en 2011. 

L’Homme et l’Informatique doivent sortir de leur relation toxique 

Ce duo endiablé génère effectivement de mauvaises ondes pour l’environnement, on le sait. Cela commence par l’extraction des ressources minérales et la fabrication des composants électroniques destinés à produire nos précieux ordinateurs, smartphones et écrans plats. Ensuite, vient l’heure de la fin de vie de tous ces appareils et composants qui nourrissent la technosphère par leur taux de toxicité impressionnant. Pour couronner le tout, leurs émissions de gaz à effet de serre s’emmêlent et réchauffent de façon préoccupante notre atmosphère.

@bsdrouin – Pixabay

Serveurs, outils technologiques, connexion à internet… Le monde du numérique est un domaine très polluant, à hauteur de 4% des émissions carbone mondiales. Pour répondre à cette problématique, il existe, au-delà des réglementations européennes et nationales, des actions volontaires à mettre en place dans le but de valoriser l’engagement écologique d’une entreprise numérique, et de s’orienter vers un numérique responsable

S’il n’existe toujours pas de normes ou de certifications visant purement à certifier un service Numérique Responsable, certaines normes et autres labels peuvent cependant améliorer le monde du numérique responsable. Découvrons comment s’engager dans une démarche plus écologique, au travers des écolabels. 

Un numérique plus vert grâce aux labels 

Un label est une “étiquette” créée par un syndicat professionnel, pour certifier l’origine d’un produit, en garantir la qualité et la conformité. Plusieurs labels témoignent d’une démarche plus verte, dans le secteur du numérique : 

Blue Angel 

Créé en 1978 par le ministère de l’écologie Allemand, Blue Angel est un des plus anciens écolabels. Il est appliqué dans plus de 20 pays, dont la France et sur 120 catégories de produits. Le secteur du numérique n’est pas épargné avec les ordinateurs, claviers, téléphones, datacenters, serveurs ou même les écrans, imprimantes et projecteurs. Réputé très exigeant, ce label prend en compte le cycle de vie complet des produits, la réduction de la consommation d’énergie, des émissions chimiques, et du bruit. 

Pour obtenir ce label, il faut commencer par vérifier si des critères d’attribution de base existent déjà pour votre produit ou service. Après avoir soumis votre demande de labellisation, celle-ci est examinée par un jury de 13 membres, qui se charge d’examiner le respect des critères du label. Dans le cas où votre produit ou service n’a pas encore de critères d’attribution, vous pouvez envoyer une nouvelle proposition comprenant des informations complètes sur le produit ou service. Le jury décidera de l’ordre de l’enquête, et l’agence Allemande pour l’environnement proposera des critères d’attributions pour votre demande.  

Numérique Responsable (NR) 

Développé par l’Agence Lucie, le label Numérique Responsable vise à réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Afin d’être labellisé Numérique Responsable, objectif affiché par OpenStudio cette année, il faut d’abord suivre une formation Green IT d’une durée de deux jours et mettre en place une démarche RSE. Vient ensuite l’auto-évaluation au cours de laquelle un expert Green IT peut accompagner l’organisme. Enfin, la labellisation est obtenue à la suite d’un audit auprès de la communauté NR, dont fera par la suite partie l’organisme demandant la labellisation. Après obtention, ce label reste valable 18 mois.

Ecolabel européen

L’Ecolabel européen (ou EU écolabel), créé en 1992, est reconnu par tous les pays de l’Union européenne. Ce label écologique vise à réduire l’impact environnemental et social de la production et la consommation. Il distingue ainsi les produits et services respectueux de l’environnement. Ce label tient compte de l’ensemble du cycle de vie des produits et concerne plus de 20 catégories de produits. L‘écolabel européen comprend tous les dispositifs d’affichage électronique (téléphones, ordinateurs, télévision etc.). S’ils sont à faible consommation d’énergie, réparables, recyclables et que leur cycle de vie limite l’emploi des substances nocives, alors ces produits peuvent l’obtenir. Trois étapes sont à respecter pour être labellisé écolabel européen :

  • Il faut d’abord vérifier, selon les critères donnés sur le site européen de l’écolabel, que votre produit ou service est pris en considération. 
  • Faites ensuite une demande auprès de l’instance nationale compétente, en fournissant toutes les informations et résultats de tests nécessaires pour prouver que votre produit ou service remplisse les critères. Vous devez, en plus du dossier, enregistrer votre demande en ligne dans le programme E-cat de la Commission européenne.  
  • L’instance nationale compétente évaluera ensuite votre demande et vous attribuera l’EU Ecolabel si tous les critères relatifs à l’environnement et aux prestations sont respectés. Un contrat sera établi entre l’instance et le demandeur. Ce label reste valable aussi longtemps que les critères restent en vigueur (en général tous les 3 à 5 ans) tant que votre produit les respecte. 

TCO Certified 

Créé en 1992 en Suède, le label TCO Certified est le premier label mondial de durabilité des produits informatiques. Il concerne 11 catégories de produits (écrans, ordinateurs, tablettes, smartphones, projecteurs, casques, équipements de réseau, serveurs et matériel de stockage de données). Ses critères concernent la qualité, les économies d’énergie, les ondes électromagnétiques, l’ergonomie et l’émission de substances polluantes du produit. La certification TCO prend en compte l’entièreté du cycle de vie du produit, en s’intéressant à ses aspects environnementaux et sociaux-économiques dès sa naissance.

Des organismes indépendants de test et de vérification sont accrédités pour vérifier, avant et après la labellisation, que les produits TCO Certified continuent de répondre aux critères du label. Trois étapes sont à respecter pour obtenir une labellisation TCO Certified : 

Préparation : durant cette phase, examinez les critères applicables à votre produit, puis demandez une réunion de présentation de TCO Certified et de la procédure de certification. Signez ensuite un contrat avec TCO Development, puis contactez un organisme de vérification. 

Tests et vérifications : envoyez à l’organisme de vérification un échantillon représentatif du produit. Vous devrez également lui envoyer, chaque année, la documentation de tous les critères de responsabilité sociale. Après analyse de ces documents, l’organisme vous renverra ses rapports de test, ses approbations environnementales et sociales, ainsi qu’une attestation de vérification de conformité. 

Une fois les approbations reçues, vous pouvez faire votre demande auprès de TCO Certified.

EPEAT 

Créé en 1992 par le Green Electronic Council (GEC) aux Etats-Unis, le label EPEAT (Electronic Product Environmental Assessment Tool) favorise les produits informatiques durables.

Contrairement aux labels précédents, celui-ci s’obtient par une auto-évaluation, en fonction de 28 critères optionnels et 23 critères obligatoires (réduction, voire élimination des substances dangereuses, choix de composants respectant l’environnement, prise en compte de la fin de vie du matériel dès la conception, durabilité etc.). Il suffit donc d’enregistrer son produit dans le système EPEAT, puisque les vérifications se font à posteriori. Trois niveaux sont disponibles : les produits “Bronze”, qui répondent à tous les critères obligatoires ; les produits “Argent”, qui répondent en plus à 50 % des critères optionnels ; et les produits “Or”, qui répondent à tous les critères obligatoires et à 75 % des critères optionnels. 

Green code lab 

Initié par le Green Code Lab, ce label vise l’écoconception des sites internet. Pour l’obtenir, 3 étapes sont à réaliser :

Une auto-évaluation de la part de l’organisme, directement sur le site web Green Code Label 

Une demande, déposée auprès du Green Code Lab, qui émet un devis pour l’audit d’obtention du label ;  

La labellisation, après un audit réalisé auprès d’un consultant certifié. 

Après son obtention, ce label reste valable pour une durée de deux ans, après quoi, toutes ces étapes sont à réaliser une nouvelle fois. Trois niveaux sont disponibles, en fonction de l’écoconception du site concerné (bronze, argent ou or). 

Nordic Swan

Scandinave, le Nordic Swan est créé en 1989 et garantit la qualité de services et produits, ainsi qu’un mode de production et de consommation écologique. Depuis sa création, 67 catégories de produits ont été couvertes par un référentiel du label. Du côté du numérique, les produits concernent les ordinateurs et autres appareils multimédias.

Géré par le Nordic Ecolabelling Board et contrôlé par des organismes indépendants, ce label s’obtient après remplissage d’une demande digitale. La démarche est ensuite évaluée par le Nordic Ecolabelling Board, qui prendra contact avec le demandeur pour vérifier que le produit est conforme à sa description. Si tout est en ordre, un examen technique pour la labellisation est lancé. Une fois obtenue, elle est valable pour une durée de trois ans renouvelables.

Energy Star 

Créé en 1992 et aux Etats-Unis par l’EPA (Environmental Protection Agency), le label Energy Star s’intéresse à l’efficacité énergétique des équipements de bureaux (ordinateurs, imprimantes, écrans etc.). Il indique que le produit intègre des mécanismes de réduction de sa consommation d’énergie (comme la mise en veille automatique par exemple). Ce label est régi par un accord passé entre les Etats-Unis et la Communauté Européenne. 

À la différence des labels précédents, celui-ci ne s’intéresse pas à l’ensemble du cycle de vie des produits, mais uniquement à leur phase d’utilisation. Un seuil de consommation d’énergie est donc imposé pour être labellisé Energy Star. Tous les contrôles sont effectués par des laboratoires indépendants, agréés par l’EPA.  

Wattimpact 

Wattvalue, à l’origine du label, est une société de service à l’énergie auprès des professionnels. Elle propose des énergies vertes et accompagne ses clients dans une démarche positive pour l’environnement. Wattvalue a créé la certification Wattimpact, qui vise à prouver l’engagement environnemental par la compensation énergétique.

Cette certification regroupe quatre fonctionnalités : 

Une évaluation en temps réel de l’impact énergétique que produit votre site internet ; 

Une preuve qu’une partie de la consommation de votre site provient d’énergies renouvelables, grâce à des certificats ; 

Une amélioration environnementale, puisque Wattimpact prélève une cotisation minimum de 1 centime d’€/kWh certifié au profit de projets d’améliorations écologiques en France ; 

L’affichage d’une stratégie Green IT de consommation durable sur votre site, via une icône “Site électriquement vert”. 

Pour obtenir la certification Wattimpact, il suffit de se rendre sur le site web Wattvalue et d’y entrer l’URL de votre site web, pour que soit calculé le nombre de pages vues par mois. En fonction du résultat, vous aurez le choix de souscrire à l’un des trois packs proposés, d’une durée d’un an. 

Conception propre avec les normes ISO

Une norme, c’est une règle fixant les conditions de réalisation d’une opération, de l’exécution d’un objet ou de l’élaboration d’un produit. L’Organisation internationale de normalisation (ISO) établit et publie les normes ISO, dont celles à destination du numérique. Faisons ensemble un petit tour de ces normes pour une conception plus verte.

@DavidRockDesign - Pixabay
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ISO 14001:2015 

Publiée en 2015, la norme ISO 14001:2015 spécifie les exigences relatives à un système de management environnemental. Elle permet d’aider un organisme à obtenir les résultats escomptés de son système de management environnemental. Par exemple, le respect des obligations de conformité, l’amélioration de la performance ou encore la réalisation d’objectifs environnementaux. C’est la prochaine norme que nous préparons au sein d’OpenStudio en 2021.

ISO 14040:2006 / ISO 14044:2006 

Management environnemental et analyse du cycle de vie : Les normes ISO 14040:2006 et ISO 14044:2006 traitent des études ACV (Analyse du Cycle de Vie) et des études d’ICV (inventaire du cycle de vie). 

L’ISO 14044:2006 spécifie les principes et le cadre applicables à la réalisation d’ACV, mais ne décrit pas en détail la technique de l’ACV, ni les méthodologies spécifiques de chacune de ses phases. C’est donc la norme ISO 14044:2006 qui fournit ces informations en spécifiant les exigences et en fournissant les lignes directrices pour la réalisation d’ACV. Ainsi, cette norme définit des objectifs du champ d’étude, la phase d’évaluation de l’impact et d’interprétation du cycle de vie, la communication et la revue critique de l’ACV. La norme ISO 14044:2006 définit aussi la relation entre les phases de l’Analyse du Cycle de Vie et les conditions d’utilisation des choix de valeur et des éléments facultatifs. 

ISO 14062:2002 

La norme ISO 14062:2002 décrit des concepts et des pratiques concernant l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produits et de services. Cette norme est applicable à la préparation de documents spécifiques pour des secteurs donnés, mais n’est pas applicable en tant que spécification à des fins de certification et d’enregistrement. 

ISO 25010:2002 

Ingénierie des systèmes et du logiciel — Exigences de qualité́ et évaluation des systèmes et du logiciel (SQuaRE). Cette ISO 25010:2011 définit deux modèles de qualité :  

Un modèle sur l’usage, composé de cinq caractéristiques se rapportant au résultat d’un produit utilisé dans un contexte particulier. Ce modèle s’applique au système humain-ordinateur dans son ensemble, et comprend les systèmes informatiques en usage, ainsi que les produits logiciels en usage. 

Un autre modèle sur la qualité des produits, composé de huit caractéristiques se rapportant aux propriétés statiques du logiciel et aux propriétés dynamiques du système informatique. Ce modèle est applicable à la fois aux systèmes informatiques et aux produits logiciels. 

Les caractéristiques définies par les deux modèles fonctionnent pour tous produits logiciels et systèmes informatiques. Elles fournissent une terminologie cohérente pour spécifier, mesurer et évaluer leur qualité. 

ISO 50001:2018 

La norme ISO 50001:2018 sur les systèmes de management de l’énergie, spécifie les exigences pour établir, mettre en œuvre, entretenir et améliorer un Système de Management de l’Énergie (SMÉ). Son but est de donner la possibilité à un organisme de parvenir à l’amélioration continue de sa performance énergétique et du SMÉ. Elle est applicable à tous les types d’organismes, quels que soient la quantité, l’usage ou les types d’énergie consommée. Cette norme requiert la démonstration d’une amélioration continue de la performance énergétique, mais ne définit pas de niveaux d’amélioration à atteindre. 

Labelliser et normaliser, une marche vers l’écoresponsabilité

Ces quelques normes et l’ensemble de ces labels forment le socle d’une démarche plus verte pour le secteur du numérique. Mais le chemin est encore long, une très faible partie des 34 milliards d’équipements numériques dans le monde sont concernés par ces labels et normes. Plus que la conception pure et dure d’outils pour le numérique, la consommation électrique reste encore un problème majeur à régler. Par exemple, 10% de l’électricité produite est consommée par le numérique. Finalement, conception et utilisation doivent évoluer en symbiose pour créer un nouveau numérique qui, labellisé et normalisé, pourra devenir écoresponsable. 

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Les auteurs de cet article : Marc Nevoux, Aymeric Fournier et Camille Grau.