E-commerce : concilier croissance et respect de l'environnement

Publié le 08 septembre 2021
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Photo de Sarah Dorweiler sur Unsplash

89 % des e-commerçants placent les questions relatives à la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) comme une priorité en 2021. Ce chiffre issu de la dernière étude de la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance) est encourageant, il prouve que le secteur de la vente en ligne prend conscience de son impact environnemental et sociétal. Évidemment, cette volonté de se réinventer est en corrélation avec les attentes des consommateurs, qui souhaitent majoritairement acheter en ligne sur des sites plus éthiques. Ce double consensus va dans le bon sens et remet en question l’incompatibilité supposée entre business et actions écocitoyennes. Il faut bien entendu que les bonnes intentions affichées soient suivies de démarches concrètes et sincères, de la part des e-commerçants.

Depuis la crise sanitaire en 2020, les habitudes de consommation ont été chamboulées par les confinements successifs et les fermetures de commerces dit non-essentiels…Privés de libertés de circuler, les consommateurs se sont donc naturellement tournés vers l’achat en ligne.1 De même, les commerçants qui n’avaient pas encore sauté le pas de la numérisation, ont diversifiés leurs canaux de distribution en ouvrant des boutiques sur internet. La Fevad comptabilise à ce jour plus de 177 000 sites marchands actifs en France, et 41,6 millions de Français qui achètent régulièrement sur le web. Cette augmentation des achats sur le net a donc mis en exergue la nécessité de repenser le secteur du e-commerce pour que cette croissance ne s’accompagne pas d’une facture carbone exorbitante. 2020 a été une année exceptionnelle au niveau économique pour la vente en ligne, 2021 est celle de la remise en question pour un e-commerce plus vert.

Une charte RSE pour les acteurs du e-commerce

Dans cette optique, la Fevad a rédigé une « Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne »2 , qu’elle a fait signé à de grandes enseignes comme C-discount, Veepee, La Redoute, Ebay, (pour l’instant Amazon ne s’est pas engagé) … et des e-commerces plus proches de la taille d’une PME : « Il ne faut pas qu’on est une RSE3 à deux vitesses, qui soit simplement l’apanage des grands groupes, les PME aussi s’engagent. », a déclaré cet été, Marc Lolivier le DG de la Fevad, sur le plateau de BFM Business.  Cette charte qui compte pour le moment 14 signataires, a pour ambition de compléter les textes de loi (loi Climat et résilience et la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), en proposant des leviers d’action qui vont au-delà de la législation en vigueur. Elle se concentre sur 4 axes :

  • Information du consommateur : l’idée est d’intégrer les consommateurs dans l’action environnementale des e-commerçants en les sensibilisant sur les bons gestes lors de leurs commandes.
  • Emballage : sur ce point, le but est simple et peut se résumer en deux mots : réduire – réemployer.
  • Logistique : les entrepôts de stockage et de préparation de commande, puis le transport pour la livraison des articles représentent un levier très important pour les e-commerces qui souhaitent réduire leurs émissions de carbone.
  • Suivi : le but est de réaliser des rencontres entre les signataires, la Fevad et des représentants du gouvernement pour accompagner la transition de ces e-commerces sur les 3 autres axes.

Répondre à un public sensible à la cause environnementale

Que cela soit la signature de la charte initiée par la Fevad ou les initiatives individuelles de e-commerçants en faveur de l’environnement, ce type de démarches est une réponse aux attentes des consommateurs. Lorsque 70 % des e-acheteurs déclarent privilégier des sites affichant une démarche éthique et responsable (Source : Baromètre Fevad/Médiamétrie, septembre 2019.), il est difficile de ne pas en tenir compte. Même si ce chiffre est à relativiser au vu du succès de certains e-commerçants qui ne sont pas spécialement réputés pour leurs pratiques éthiques, il reste symptomatique d’une volonté de consommer autrement, de la part d’un public de plus en plus informé sur les enjeux du changement climatique. Les e-acheteurs ont aussi majoritairement tendance à intégrer des gestes éco-responsables dans leur parcours d’achat. Par exemple, ils sont 71% à privilégier les commandes groupées pour éviter de multiplier les livraisons, et 68 % disent favoriser les sites marchands français. Ils sont également 77 % à avoir le réflexe de trier les emballages de leurs commandes afin de les recycler. En revanche, le réemploi de ces emballages n’est pas encore généralisé avec seulement 45 % des e-acheteurs qui déclarent les réutiliser.4 Il y a donc des solutions à trouver du côté des e-commerçants pour proposer des colis avec le moins d’emballage possible, ou qui soient plus adaptés au réemploi.

« 67 % des e-acheteurs déclarent trouver plus facilement grâce à Internet des produits issus du commerce responsable. »

Baromètre Fevad/Médiamétrie, septembre 2019.

Toujours d’après l’étude de la Fevad, il semble aussi que le e-commerce soit un canal privilégié pour effectuer des achats issus de l’économie circulaire. Produits d’occasion, reconditionnés, ou issus du recyclage se vendent de plus en plus sur internet. L’énorme réussite de Vinted illustre bien l’engouement grandissant vers ce type de consommation plus raisonnée, privilégiant la seconde main.

Un e-commerce peut-il être « numérique responsable » et performant ?

En dehors des leviers très visibles par les consommateurs, comme la réduction des emballages ou le circuit-court, les e-commerçants qui souhaitent décarboner leur activités, doivent aussi faire attention à intégrer de bonnes pratiques « numérique responsable ». Il est très important de ne pas oublier que les sites e-commerces font partie d’un secteur plus large, le numérique, qui est loin d’être neutre pour l’environnement. Les chiffres sont éloquents, on sait que le numérique génère 3,8% des émissions des GES mondiales (l’équivalent de l’empreinte de 3 pays comme le France) et que 10% de l’électricité produite est consommée par ce secteur.5 Les entreprises du numérique, y compris les e-commerces, sont donc en première ligne dans la lutte contre le dérèglement climatique. Seulement avec l’arrivée de l’IA, grande consommatrice d’énergie, mais aussi capable d’augmenter significativement les performances d’un site marchand, la voie du numérique responsable est-elle possible pour le e-commerce ? La réponse est oui, si on se base sur des exemples comme Picture organic clothing.

« […] On a demandé à notre prestataire d’héberger notre site sur un green center. C’est vrai qu’on a un peu moins de performance au niveau de la connexion […], mais on accepte de perdre un peu de temps de chargement pour être un peu plus vert. Il faut aussi savoir qu’une personne qui veut vraiment aller sur notre site, qui aime notre marque, sera prête à perdre quelques minuscules secondes et ne se déconnectera pas pour si peu. »

Vincent André , co-Fondateur de Picture organic clothing.

Jouissant d’une identité à la fois « green » et « innovante » non galvaudée, l’entreprise spécialisée dans la vente de prêt à porter pour les sports de glisse, s’inscrit dans cette volonté de concilier ses valeurs écocitoyennes et le développement de son business sur son e-commerce. Une vraie réflexion a été menée par ses dirigeants pour inclure des technologies d’IA sur leur e-commerce apportant une valeur ajoutée réellement utile pour leurs clients (BtoC et BtoB). Des innovations qui s’accompagnent de bonnes pratiques « numérique responsable », comme l’hébergement du site dans un green center, ou encore le stockage de leurs données internes dans des éco datacenter.

Du point de vue du développement d’applications intégrant des briques d’IA, de bonnes pratiques d’éco-conception peuvent également s’appliquer. À titre d’exemple, favoriser des technologies existantes, des modèles d’IA open source, permet de ne pas dépenser de l’énergie à entraîner un algorithme pour refaire ce qui a déjà été fait auparavant. 

« L’IA est un outil extrêmement puissant, mais elle reste un outil, et comme n’importe quel outil, on peut être responsable ou pas en le fabriquant et en l’utilisant. Comme pour les produits alimentaires, il est plus facile d’être responsable en favorisant les produits locaux, plutôt que ceux développés par des multinationales plus opaques. OpenStudio, avec thelia en particulier, promeut la philosophie open source, ce qui implique une certaine transparence : c’est comme si un agriculteur organisait des visites de son exploitation, et écoutait les conseils des visiteurs. »

Vincent Clerc, Phd Data scientist chez OpenStudio.

Les e-commerces pourraient également intégrer des briques d’IA dédiés à la décarbonation de leur chaîne de valeur. On pourrait imaginer un moteur de recherche localisant les fournisseurs et autres partenaires commerciaux les plus respectueux de l’environnement, un algorithme capable d’auditer le e-commerce pour indiquer les actions de réduction carbone à mener…Au niveau de la logistique, l’IA est déjà capable de réduire les dépenses carbone : calcul des trajets de livraison les plus courts, optimisation des tailles de colis pour éviter d’envoyer du vide, etc.6

Le défi est lancé pour les acteurs du e-commerce, grandes enseignes ou petites PME,  qui vont devoir trouver des solutions pour que leur développement économique ne se fasse pas au détriment de l’environnement. Dans ce secteur ultra concurrentiel, en pleine expansion, mener cette réflexion rapidement autour de la RSE va s’avérer déterminant. 

Pour aller plus loin :

1 Coup d’accélérateur du e-commerce en 2020, l’un des effets collatéraux de la crise sanitaire

2 Charte d’engagements pour la réduction de l’impact environnemental du commerce en ligne 

3 Comprendre la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

4 Les chiffres clefs du e-commerce 2021 – FEVAD

5 Les enjeux du numérique responsable

6 Quels usages de l’intelligence-artificielle en e-commerce ?

Retrouvez également notre livre IA : La Grande Mutation du E-commerce.