Réduire l'empreinte environnementale des services numériques grâce aux dispositifs CEE

Publié le 09 décembre 2021
7 minutes de lecture
Photo de Runze Shi sur Unsplash

Les pollutions provoquées par le secteur numérique sont multiples et deviennent de plus en plus inquiétantes au vu de la croissance exponentielle de ces services.
Pour préserver la planète et continuer de bénéficier des avantages des nouvelles technologies, les solutions issues des principes du « numérique responsable » doivent se systématiser, notamment l’éco-conception des services numériques.
Un axe de travail qui pourrait être corrélé avec les nouveaux appels à programmes des dispositifs CEE.

Si Internet était un pays, il serait le 3ème plus gros consommateur d’électricité au monde avec 1500 TWh par an !

Selon les estimations, le numérique dans sa globalité consomme entre 10 et 15% de l’électricité mondiale, et cette tendance s’accélère (+9% par an). Autre constat alarmant, le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, ce qui en fait déjà l’un des secteurs les plus polluants, devant les transports aériens (source : The Shift Project).

Selon le chercheur Gerhard Fettweis de l’université de Dresde, d’ici 2030 la consommation électrique du web, à elle seule, atteindrait la consommation mondiale tous secteurs confondus mesurée en 2008. Internet deviendrait alors la première source de pollution mondiale.

D’ou provient la pollution du numérique ?

La consommation énergétique du numérique et la pollution qu’elle engendre se répartissent selon 3 axes : la fabrication des terminaux, le fonctionnement du réseau internet, avec les datas-centers, et l’utilisation finale par les internautes (mail, navigation web…).

La phase de fabrication des terminaux est souvent effectuée en Asie (avec un mix énergétique très carboné) et elle génère plus de 80% des émissions de gaz à effet de serre dans le cycle de vie.

La phase d’utilisation génère peu de gaz à effet de serre mais elle est très consommatrice en énergie électrique. Le volume de données échangé en France en 2019 est estimé à près de 50 Exaoctets (50 milliards de Go) et les usages du numérique représentent 9,6% de la consommation d’électricité en France (source : Empreinte carbone du numérique en France – Sénat – CITIZING, juin 2020).

Il existe plusieurs méthodes de calculs, le tableau ci-après présente les résultats à l’échelle mondiale de trois approches différentes :

Empreinte environnementale du numérique dans le monde en 2019Andrae (expected, 2015)Shift Project (expected updated, 2018)GreenIT (2019)
Energie primaire (TWh)5 5236 7006 800
Electricité (TWh)2 7002 0001 300
Emissions de GES (MtCO2éq)1 1732 1001 400  
Récapitulatif des résultats des empreintes énergétique et carbone du numérique d’autres travaux, à l’échelle mondiale en 2019 (Empreinte carbone du numérique en France – Sénat – CITIZING)

Dans cette étude, Citizing retient une moyenne de ces trois approches afin d’établir la part de la pollution générée par le numérique français dans le monde :

Estimation en 2019MondeFrancePart de la France dans le monde
Energie primaire (TWh)6 3411432,26%
Electricité (TWh)1 956442,25%
Emissions de GES (MtCO2éq)1 543150,97
Empreintes énergétique et carbone du numérique Français dans le monde en 2019 (Empreinte carbone du numérique en France – Sénat – CITIZING)

Le numérique français consommait 44 TWh d’électricité en 2019 et on s’attend à une croissance annuelle de 7% à horizon 2030. Pour continuer à tirer pleinement parti des atouts du numérique dans la lutte contre le dérèglement climatique (télétravail, économie du partage, etc), il est indispensable de réduire sa consommation énergétique et son empreinte sur l’environnement. Pour cela, il est possible de s’appuyer sur des dispositifs éprouvés comme celui des Certificats d’économie d’énergie.

Le dispositif des Certificats d’économie d’énergie

Le dispositif des Certificats d’économies d’énergie (CEE) est un des principaux outils de la politique de maîtrise de la demande énergétique. Initié par le protocole de Kyoto en 2005 par les articles 14 à 17 de la loi n° 2005-781, il fixe les orientations de la politique énergétique (loi POPE).

Ce dispositif repose sur une obligation triennale de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d’énergie (les obligés). Ces économie d’énergie sont comptabilisées par des Certificats d’économies d’énergie (CEE) dont la valeur est calculée de sorte que 1 CEE = 1kWh cumac d’énergie finale.

Le terme cumac correspond à la contraction de cumulés et actualisés, c’est à dire le cumul des économies d’énergie réalisées annuellement durant la durée de vie du produit et actualisé pour prendre en compte l’évolution du niveau de performance moyen des équipements dans le temps.

Le dispositif a connu 4 périodes visant à accélérer la transition énergétique et à inciter efficacement l’ensemble des acteurs de l’économie (fournisseurs, consommateurs). Les objectifs d’économies d’énergie de chaque période ont été révisé afin d’impulser une montée en puissance du dispositif :

  • 2006 à 2010 : 1ère période, objectifs 54 TWh cumac
  • 2011 à 2014 : 2ème période, objectifs 345 TWh cumac
  • 2015 à 2017 : 3ème période, objectifs 700 TWh cumac dont 150 Twh cumac au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique
  • 2018 à 2020 : 4ème période, objectifs 1600 TWh cumac dont 400 TWh cumac en CEE précarité
  • 2022 à 2025 : 5ème période (actuellement en concertation auprès de la DGEC), les objectifs seront de 2500 TWh cumac dont 730 TWh de CEE précarité

Les obligés sont incités à promouvoir l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie. Pour cela ils disposent de fiches d’opérations standardisées, élaborées par la Direction Générale de l’Énergie et du Climat (DGEC), l’ADEME et l’Association Technique Énergie et Environnement (ATEE), les opérations standardisées d’économies d’énergie correspondent à des opérations couramment réalisées pour lesquelles une valeur forfaitaire de CEE a été définie.

Les opérations d’économies d’énergie innovantes qui ne s’inscrivent pas dans le cadre des fiches standardisées peuvent se voir attribuer des CEE, selon le principe des opération spécifiques, le montant de CEE de ces opérations est calculé à partir d’une situation de référence définie en fonction de la nature de l’opération.

Enfin, depuis la 2ème période, des appels à programmes sont mis en place afin de favoriser les programmes d’accompagnement aux économies d’énergie. Différentes thématiques sont éligibles à ces appels à programmes, quelles soient informatives, éducatives ou favorisant la réduction de la précarité énergétique.

L’appel à programmes de la 5ème période a été fixé sur trois thématiques avec un objectif de 12 TWh cumac.

Les thématiques sont : la sobriété électrique du numérique, l’appui aux TPE-PME pour la réalisation d’économie d’énergie et le frêt fluvial ou ferroviaire.

La sobriété électrique du numérique

Les programmes proposés sur cette thématique devront être orientés usagers et non efficacité énergétique des terminaux ou des datas center, car ces points sont largement couverts par les règlementations existantes ou à venir (voir la loi REEN).

L’éco-conception des services numériques

L’éco-conception apporte des solutions pour développer des services beaucoup moins énergivores sans détériorer les performances. La deutsche Bahn a démontré qu’il était possible de diviser par 600 la quantité de ressources nécessaires pour la recherche d’un horaire de train.

De plus l’écoconception a un impact positif sur l’allongement de la durée de vie des équipements informatiques car il rend le contenu accessible sur des terminaux anciens et moins performants.

L’étude WeGreenIT menée en 2018 par le club GreenIT et le WWF met en avant un retard des entreprises quant à leur maturité sur le sujet de l’écoconception de leur service numérique (seulement 48% des entreprises interrogées avaient connaissance de ce terme).

Dans le livre blanc du programme Greenconcept, nous trouvons une mesure de l’impact de l’éco-conception de services numériques grâce à la mise en oeuvre de plus de 40 actions menées dans la région Occitanie auprès de 28 entreprises. En moyenne sur les projets accompagnés, le potentiel de réduction des impacts environnementaux se situe autour de 63%, ce qui signifie qu’en intégrant les principes de l’éco-conception il est possible de diviser par 3 les impacts des services numériques.

En fonction de la maturité de chaque projet, nous estimons une économie possible de 40% à 60%, sur la consommation énergétique des usages numériques.
Le potentiel de réduction globales des usages des services numériques est alors compris entre 17,6 TWh à 26,4 TWh sur une année.


L’économie globale de l’éco-conception représente la production annuelle d’une centrale nucléaire.
(17,8 TWh)

Gain énergétique de l’éco-conception

Comment prendre en compte l’évolution du niveau de performance énergétique des équipements pour évaluer les économies d’énergie cumulées et actualisées ? (cumac)

Une étude de Joshua Aslan, et Kieren Mayers publiée en 2017 montre que l’efficacité énergétique des usages du numérique est divisée de moitié tout les deux ans, cette tendance est similaire à celle observée par la loi de Moore quant à la puissance des processeurs informatiques.

Dans cette étude, on trouve plusieurs méthodes de calculs qui indiquent une amélioration énergétique par octet transféré (en KWh/Go) allant de 12,5% par an à 30% par an.

Ces valeurs de calculs d’efficacité énergétique sont à coupler avec le taux de renouvellement des équipements car on ne peut pas se baser sur les équipements de pointe pour effectuer un calcul fiable, en effet les anciens équipements vont avoir une efficacité énergétique bien moins importante.

Il est difficile de connaître le taux de renouvellement du matériel, pour cela nous pouvons nous baser sur l’amortissement comptable des équipements.

Une étude du GreenIT publiée en 2013 notait que la durée d’amortissement comptable est de plus en plus courte en raison du faible coût d’acquisition. Cette durée qui était de 5 à 10 ans au milieu des années 80 est passée à moins de 3 ans dans les années 2000.

Selon ces hypothèses, l’économie potentielle des usages du digital cumulée et actualisée se calcule alors sur une période de 5 ans avec un taux d’amélioration énergétique de 30%.

Nous obtenons ainsi un gisement d’économie d’énergie compris entre 55 TWh cumac et 84 TWh cumac, et une action de grande ampleur pour favoriser la mise en oeuvre de l’éco-conception des services numériques devient un levier à impact dans la transition écologique.

La thématique des nouveaux programmes CEE portée sur la sobriété énergétique du numérique va permettre de contenir l’effet rebond, observé depuis des années, qui a conduit à rendre les services numériques toujours plus gourmands en énergie.

Se sensibiliser au numérique responsable

Voici quelques liens pour poursuivre votre découverte du Numérique Responsable :