IA & Santé : Les progrès de la Thérapie Guidée par l’Image grâce à l’intelligence artificielle
Enseignant-Chercheur en informatique à l’IUT du Puy-en-Velay (Université Clermont-Auvergne), Antoine Vacavant est spécialisé en Thérapie Guidée par l’Image (TGI) depuis 2010. Un choix qui ne doit rien au hasard, puisque déjà pendant ses études en informatique à Clermont-Ferrand, puis à Lyon, l’analyse d’image était au cœur de son attention avec notamment l’écriture d’une thèse sur le sujet, ou encore une collaboration avec des médecins du centre lyonnais Léon Bérard, autour de la TGI. À la tête d’une équipe de chercheurs, il travaille aujourd’hui sur de nombreux projets de Thérapie Guidée par l’Image. Antoine Vacavant nous éclaire sur ses recherches, l’impact des méthodes d’intelligence artificielle, mais aussi sur les difficultés à surmonter pour passer du stade de la recherche à des applications concrètes dans le milieu médical.
Votre spécialité est la Thérapie Guidée par l’Image (TGI), pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce domaine ?
L’idée principale est de développer des outils guidés par l’image qui viennent en assistance aux médecins. Du chirurgien à l’hépatologue en passant par le radiologue, la TGI concerne un spectre large de disciplines médicales. Ces outils vont permettre d’interpréter l’image, de l’analyser, pour pouvoir extraire certaines caractéristiques et donner des critères de décision afin d’aider le médecin dans sa pratique clinique, mais aussi dans la recherche.
Plus spécifiquement, comment un praticien peut-il se servir de la TGI ?
Pour vous donner un exemple très concret, en ce moment je travaille plus spécifiquement sur un projet de recherche autour du foie. Le foie est un organe avec une anatomie assez complexe, très vascularisé, ce qui rend son analyse très difficile sur des images radiologiques. Pour pallier cette problématique, nous sommes en train de développer des outils d’analyse d’image automatique ou interactive, guidés par l’utilisateur et qui permettent de reconstruire en 3D, l’anatomie du foie d’un patient à partir de ses images de scanner, d’IRM, etc.
Ces outils pourront donc être utilisés par les radiologues, par exemple pour regarder la volumétrie du foie, ou effectuer une analyse plus fine de ce qu’il se passe à l’intérieur de cet organe. Évidemment, il y a déjà des outils disponibles sur les marchés d’acquisition, mais notre travail de recherche est de trouver des outils plus spécifiques, plus précis ou qui vont compléter ces outils commerciaux. On peut ensuite imaginer de nombreuses autres applications qui découlent de cette première étape de reconstruction numérique de l’anatomie d’un organe. On va pouvoir s’intéresser à la physiologie du foie, savoir comment il fonctionne et faire des simulations numériques. On est capable, à titre d’exemple, de faire passer du sang virtuel dedans pour regarder ensuite comment il réagit de manière numérique, cela peut être très utile sur les plannings de chirurgie. Dans le cas où le chirurgien doit réséquer un foie, donc en enlever une partie, il saura avant l’intervention si le foie pourra continuer à supporter la charge du flux sanguin entrant, sans la partie qu’il compte prélever. Il y a vraiment des applications multiples, c’est-à-dire qu’à partir d’un outil développé de thérapie guidée par l’image, en tirant la pelote de laine, on se rend compte du nombre incroyable de fils à suivre pour traiter de nouveaux sujets.
On peut dire qu’il y a donc plusieurs étapes dans la thérapie guidée par l’image, premièrement une phase d’aide au diagnostic et derrière une possibilité de trouver la bonne manière de prodiguer le soin sans être trop invasif ?
Oui tout à fait, ce qu’il faut savoir c’est que la thérapie guidée par l’image est déjà quelque chose de très présent dans les hôpitaux et cliniques, l’image est très centrale. Aujourd’hui quand on réalise une opération sur un organe, les chirurgiens utilisent un scanner, commencent à faire des annotations sur les images, ils se disent qu’ils vont prévoir une intervention ici ou là, etc… Mais nous, en tant que chercheurs, nous essayons d’apporter plus d’automatisation, davantage d’aide, soit au diagnostic, soit au traitement, soit à la chirurgie. Il s’agit d’une aide par informatique auprès de ces différentes disciplines.
Techniquement, comment l’intelligence artificielle intervient dans ce type d’outil ?
La grande puissance de l’IA est de pouvoir s’appuyer sur des données et de pouvoir résoudre des tâches très complexes, ce qui nous a permis de faire un bond en avant spectaculaire sur l’efficacité de nos outils. Par exemple, sur une image on peut isoler de manière très fine tout ou une partie d’un organe, et grâce à cet apprentissage massif de données, la machine peut donner une excellente interprétation des images, et donc des résultats bien plus pertinents. L’IA existe depuis longtemps mais aujourd’hui elle devient très efficace grâce à de nouvelles méthodes, comme le deep learning, qui sont extrêmement performantes pour résoudre ce type de tâches.
Vous utilisez quelles techniques d’IA plus spécifiquement ?
Dans mon travail, je ne cherche pas forcément à utiliser des techniques clef en mains, ou à trouver le dernier modèle de l’état de l’art pour ensuite l’appliquer sur ce que je suis en train de faire. Cela reste intéressant et utile évidemment, mais ce qui m’intéresse personnellement, c’est plutôt de développer de nouveaux modèles de deep learning en m’appuyant sur d’autres techniques issues des mathématiques appliquées, ou des techniques d’analyse d’image…Le but est de combiner ces architectures puissantes de deep learning (des réseaux de neurones profonds), pour essayer de les améliorer et obtenir d’autres résultats encore plus performants qu’en utilisant un modèle à l’état de l’art, ou une solution clef en main proposée par une librairie par exemple.
En tant que chercheur, l’innovation est donc votre moteur ?
La recherche, c’est aussi innover, tout est en lien. Les entreprises sont vectrices d’innovation mais la recherche aussi, simplement cela demande parfois un temps un peu plus long. En tant que chercheur, je travaille d’ailleurs régulièrement avec des entreprises, par exemple sur le projet dont je vous ai parlé (ndlr : sur le foie), je collabore avec l’entreprise Kitware. Le gros avantage en informatique par rapport à d’autres disciplines comme les sciences humaines par exemple, c’est qu’il est possible de sortir des résultats relativement vite. L’objectif, et tout l’intérêt, de la recherche est de trouver de nouvelles façons originales de résoudre des problèmes. En l’occurrence, les projets sur lesquels je travaille concernent la santé, mais ma spécialité c’est l’informatique, donc ce qui m’intéresse dans ce sujet c’est de pouvoir développer des applications informatiques qui répondent à cet enjeu médical.
Justement lorsqu’on est informaticien comme vous, il faut tout de même s’intéresser à d’autres métiers, ici la médecine, comment vous travaillez pour partir sur les bonnes pistes, celles qui vont permettre de résoudre les bonnes problématiques ?
Sur une recherche pluridisciplinaire comme celle-ci, il faut de très nombreux échanges. Le démarrage est donc obligatoirement plus long que lorsqu’on fait de la recherche entre personnes du même domaine. Ces échanges sont essentiels pour vérifier qu’on utilise le même langage, qu’on parle bien de la même chose. C’est la première étape, pour ensuite comprendre les besoins de nos collègues cliniciens, et pour savoir ce que nous serons en capacité de faire, ou sur quel sujet nous pourrons avancer. Nous avons développé, par exemple, un plugin pour le logiciel 3D Slicer (ndlr : un outil open source qui permet de faire du traitement d’image médicale entre autres), et ce développement n’aurait pas été possible sans une collaboration étroite avec les médecins. En tant qu’informaticien, nous avons besoin de comprendre les besoins, comprendre le lexique, comprendre les enjeux pour lesquels on va faire un développement. Je crois que la recherche interdisciplinaire n’est pas accessible à tout le monde, il faut avoir cette appétence à comprendre l’autre, s’ouvrir à une autre discipline, pour développer des outils.
À l’inverse lorsqu’on n’est pas dans le domaine de l’informatique, l’intelligence artificielle est parfois difficile à comprendre et peut même susciter une certaine méfiance. Est-ce que vous avez constaté une appréhension envers l’IA, de la part des médecins avec qui vous avez travaillé ?
Il est vrai qu’il peut y avoir des appréhensions. Lorsqu’on explique de manière brute ce qu’est l’IA et les potentiels de cette technique, cela peut donner l’impression que la machine va remplacer l’expert humain. Quelle que soit la discipline, l’informatique, l’art ou la médecine, la machine n’est pas vouée, en tout cas pour l’instant et il faut s’en réjouir, à remplacer l’expert. L’expertise humaine est toujours présente. Quand je travaille avec des médecins, j’essaie d’être pédagogue et de leur expliquer que même les meilleurs outils d’IA ont des limites. Il y aura forcément, à un moment donné, un cas ou une pathologie qu’on arrivera moins à reconnaître. C’est là justement que l’expertise médicale revient, donc finalement elle est toujours là. De plus, ils se rendent rapidement compte que leur expertise est indispensable pendant le développement de l’outil et surtout après dans son utilisation.
Avec le deep learning on a encore un problème d’explicabilité. Il est très compliqué de savoir comment fonctionne précisément cette technique – on est d’ailleurs en train de travailler sur cette thématique de l’explicabilité avec mon équipe pour un projet financé la région Auvergne-Rhône-Alpes notamment – et sur cette question on a besoin des médecins. La donnée en elle-même, lorsqu’elle est fournie à l’ordinateur, n’est qu’un amas de pixels, mais pour le médecin il y a une vraie interprétation à donner : c’est le médecin qui va nous permettre de comprendre pourquoi l’IA a failli ici, pourquoi elle a eu de bonnes performances sur tel groupe de patients, etc. Cette explicabilité qui est un sujet brûlant aujourd’hui, a besoin de cette expertise. On ne peut pas faire de l’IA sans l’intelligence humaine. D’ailleurs les outils que nous développons aujourd’hui demandent une interaction au départ pour impliquer le médecin et pouvoir comprendre quel type d’information je vais extraire,… Il faut qu’ils soient partie prenante, sinon les outils sont inefficaces, car on passe à côté du besoin ou de l’application finale.
Cet enjeu de l’explicabilité est encore plus important dans le domaine de la santé, derrière les enjeux sont énormes, on parle de vie humaine. Il paraît normal que les médecins et les patients aient besoin de savoir pourquoi et comment la machine a donné telle ou telle indication, c’est une grosse difficulté à laquelle vous devez faire face ?
Pour l’instant nous n’avons pas été confrontés à ce problème avec mon équipe, parce que nous n’avons pas encore lancé de grand protocole auprès des patients. Mais évidemment c’est aussi un vrai enjeu d’impliquer le patient, on parle d’ailleurs de “patient partenaire”. Un patient n’est pas forcément dans la passivité, il peut être aussi dans une démarche de compréhension de ce qui lui arrive aussi bien sur la partie médicale que sur la partie de l’IA. Encore une fois, c’est le praticien qui est face au patient, ce n’est pas la machine qui va annoncer une mauvaise nouvelle, qui va expliquer quel traitement sera à suivre, etc. C’est le rôle du médecin, c’est lui l’humain dans l’histoire qui va parler avec le patient, là encore on voit les limites de l’outil.
Prenons un exemple d’outil d’aide au diagnostic en dehors de l’IA, comme un bilan sanguin. Un bilan sanguin dit une certaine vérité sur votre état de santé, mais il ne dit pas tout, il faut absolument que le médecin interprète les résultats, et pourtant on sait faire des bilans sanguins depuis des années. Même si sur le bilan sanguin on peut lire une alerte en gras, l’interprétation par le médecin est toujours nécessaire pour expliquer aux patients ce qu’implique cette alerte. Avec l’IA c’est la même chose, la machine donne une décision qui a besoin d’être interprétée. Certaines applications de l’IA ont un impact direct sur le patient, ce qui lui permet de comprendre plus facilement comment la machine peut être bénéfique pour lui.
En ce moment, nous travaillons sur un projet d’assistance à l’échographie qui entre bien dans ce cadre. En gynécologie obstétrique, parfois des patientes sont en surpoids et pour ces personnes l’échographie peut être douloureuse, car le médecin est dans l’obligation d’appuyer un peu plus fort. Ici l’IA peut s’intégrer dans un schéma de robotisation, dans un triptyque entre la sonde, le patient et le praticien qui permettra un vrai confort à la fois pour la patiente et le praticien. Je pense que c’est avec des actions comme celle-là qu’on se rendra compte que l’IA est aussi et avant tout un vrai pas en avant vers une meilleure prise en charge. L’IA est un outil qui donne une réponse, encore une fois à vérifier, à moduler etc, mais au moins vous avez une réponse ; vous avez un élément qui va vous permettre de dire ce qui est potentiellement bénin ou malin, qui va vous mettre sur la bonne piste pour trouver un traitement. Je pense vraiment que les praticiens, même s’ils peuvent avoir des réticences (la peur de perdre leur métier), se rendent compte que l’IA est une vraie chance d’être plus précis et d’obtenir de meilleures réponses. Pour les patients c’est la même chose, si le médecin reste au centre et les accompagne pendant toutes les étapes du soin, l’IA sera bien acceptée par le patient, comme n’importe quel autre outil.
L’IA n’est donc qu’un outil comme un autre, technologiquement plus pointu, mais cela reste un outil ?
Oui tout à fait, ce qui fait peur souvent c’est le terme lui-même, et surtout le mot “intelligence”. En parallèle de la recherche, je donne des cours d’intelligence artificielle, et ce que j’essaie de faire comprendre à mes élèves c’est que l’IA n’a pas vocation à remplacer l’intelligence humaine. Souvent on oublie de bien définir ce qu’on entend par IA. En vérité, ce qu’on fait aujourd’hui majoritairement c’est de l’apprentissage automatique, c’est du machine learning, du deep learning, ce n’est pas de l’intelligence artificielle dans le sens propre du terme, c’est à dire que la machine n’a pas les capacités de remplacer quelqu’un, elle n’a pas conscience d’elle-même. En santé, l’IA n’est pas là pour remplacer ni le médecin, ni pour prendre la décision finale sur le traitement à prodiguer. On est encore au stade de l’outil d’assistance, d’aide, de résolution de tâches complexes. Beaucoup de choses ont avancé, par exemple la détection des cancers de la peau est très fiable, et tant que l’humain sera présent et que la relation sociale sera préservée, tout se passera bien.
Vous avez une certaine ouverture par rapport à vos recherches, vous pensez que la culture du secret est aussi un frein dans l’acceptation de nouvelles technologies comme l’IA ?
En effet, je trouve qu’il est extrêmement important de réduire l’écart entre la recherche et le grand public. Dès qu’on me propose de vulgariser, je le fais sans réfléchir ! On l’a bien vu avec la crise de la Covid-19, et avant avec beaucoup d’autres évènements de ce type, il y a une certaine fracture, une incompréhension entre la parole des scientifiques d’un côté et ce que reçoit le public. Je crois qu’en communiquant davantage, cela permet aussi de faire comprendre au grand public ce que font les chercheurs. Pour revenir à la question des patients, peut-être qu’en ouvrant toujours plus la recherche, les patients seront beaucoup plus à l’aise avec la question de l’IA. Si on leur précise à quoi elle sert, comment elle fonctionne, les craintes vont se dissiper progressivement. Pour moi c’est fondamental d’être dans la diffusion et dans la pédagogie. Je suis aussi instructeur au NVIDIA Deep Learning Institute , donc je peux délivrer des formations courtes auprès d’académies, pour les étudiants, les chercheurs d’autres disciplines, qui leur permettent d’avoir une certification attestant qu’ils ont suivi un atelier sur le deep learning ou autre. À la fin de ce type de workshop, les étudiants ont des compétences de base sur le deep learning. Ils savent programmer un premier réseau de neurone profond, ils savent ce que c’est, ils en comprennent les enjeux, et c’est aussi une bonne manière de démocratiser cette discipline.
En parlant de formation, les praticiens vont avoir besoin d’être formés à ces nouvelles techniques, comme la thérapie guidée par l’image ou d’autres applications de l’IA qui vont bientôt (ou sont déjà) intégrées dans les routines médicales, cela fait partie aussi des volets à ne pas négliger ?
Bien sûr, c’est aussi pour cette raison que les médecins doivent être partie prenante dès le départ du projet, pour commencer à se former, comme nous on se forme sur la partie clinique. En fait, les médecins doivent être les vecteurs de ces nouvelles technologies. Par exemple, lorsque mon équipe s’est formée au logiciel 3D Slicer, des médecins sont venus participer pour comprendre comment utiliser ce logiciel, comment faire des petits traitements simples, etc. Cela nous a permis de dialoguer sur des choses que tout le monde comprend avec le même langage, les mêmes termes. Cet aspect formation est central, les médecins et les étudiants en médecine doivent aussi être sensibilisés aux usages de l’IA. Quand je peux donner des cours auprès de médecins je le fais, puisque c’est important qu’ils comprennent ce qu’est l’IA, comment elle fonctionne. Je ne rentre pas dans tous les détails comme avec des informaticiens, mais peu importe, je vais quand même expliquer les enjeux. On ne pourra rien faire sans des formations qui font le lien entre la pratique clinique et l’IA. Lorsqu’on fait un travail à l’interface de plusieurs disciplines, les formations doivent refléter cette rencontre.
Est-ce que les applications d’IA médicales que vous développez sont déjà utilisées par les médecins, ou est-ce qu’on en est toujours au stade de la recherche ?
Les projets sur lesquels nous travaillons ne sont pas encore disponibles, justement nous essayons de voir comment les intégrer dans des solutions auprès des médecins. Nous devons faire face à différents verrous, il faut l’admettre, c’est assez compliqué. Il y a des complexités administratives, il y a des complexités liées à la sécurité, des complexités informatiques aussi qu’il faut régler.
Il y a également un modèle économique à prendre en compte pour arriver à des solutions commerciales à partir de la recherche ?
En tant que chercheur mon objectif premier n’est pas là, bien sûr il peut y avoir de la valorisation, des dépôts de brevet et aller plus loin sur la commercialisation. Je pense notamment à l’entreprise clermontoise SurgAR qui développe une application fruit de la recherche, une assistance à la chirurgie gynécologique avec de l’IA embarquée, qui fait ses preuves. Il y a de vraies aventures qui se font à partir de la recherche. De mon côté, pour l’instant, je trouve beaucoup d’intérêt dans tout ce qui est open source et libre. Le plugin dont je vous ai parlé pour 3D Slicer est disponible gratuitement pour les cliniciens et les chercheurs, pour qu’ils puissent conduire eux aussi leur recherche.
Est-ce que pour vous, il existe encore un plafond de verre avec ces nouvelles technologies et leurs applications concrètes dans la médecine ? Tous les jours, il y a de nombreuses applications de l’IA pour la santé qui fleurissent, et pourtant, on dirait que le stade de la R&D a dû mal à être franchi, qu’est-ce qui bloque ?
Il y a plusieurs choses qui « bloquent » mais parfois qui bloquent pour de bonnes raisons. Quand on commence à développer un outil qui doit être intégré en pratique, il faut suivre une forme de valorisation, c’est un transfert technologique qui suit certaines étapes : phase 1, phase 2, …Un peu comme un médicament, sauf qu’il s’agit d’un dispositif médical. Les outils d’IA font partie des dispositifs médicaux dans le sens large et donc cela prend un certain temps, un temps absolument nécessaire (sauf cas extrême comme une pandémie mais ça c’est un autre sujet). À ce temps de recherche incompressible pour faire tous les tests, s’ajoutent en effet d’autres freins que nous avons évoqués, comme l’acceptation d’un nouveau dispositif par le corps médical et par les patients. Il y a aussi le coût, même si moi je ne suis pas dans cette optique-là, il y a quand même un coût financier pour mettre en place un nouvel équipement. Évidemment, il y a une nécessité de faire sauter quelques verrous mais je ne crois pas que ce soit une bonne chose d’ouvrir les vannes en grand. Au contraire. Même si je trouve le système beaucoup trop rigide et que j’aimerais qu’il s’assouplisse, je ne voudrais surtout pas que tous les garde-fous disparaissent, parce que sans ces tests préalables, sans prendre le temps de phaser, sans prendre le temps d’observer avec des petites cohortes, puis des grandes cohortes, puis en multicentrique,… on pourrait se retrouver avec de vrais dommages. Certains freins sont indispensables pour que les innovations aillent dans le bon sens.