IA & Industrie 4.0 : Des solutions IIoT à portée de main pour les PME

D’où vient ce besoin de créer des solutions IIoT facilement accessibles pour l’industrie ?

Nous nous sommes intéressés à la création de solutions IIoT car l’industrie et ses parcs machines en général sont vieillissants depuis plusieurs années. Peu d’investissements sont réalisés. Même si certains industriels parlent d’intelligence artificielle, d’optimisation des performances, de 4.0…la réalité est toute autre. En Europe par exemple, 80 % des usines sont dans une situation bien loin du 4.0. Ces dernières doivent d’abord générer des données, via des capteurs, avant de s’intéresser à l’Intelligence Artificielle.

Nous développons des solutions packagées et évolutives afin de donner toutes les clés en main à un industriel, du capteur à la plateforme IIoT en passant par le réseau. Notre grande force est notre capacité à fournir, de manière simple, des données réelles et accessibles via des tableaux de bord intuitifs. Nous nous fixons aussi comme objectif d’accompagner nos clients de plus en plus avec de l’IA. 

Pour quels usages sont destinés vos solutions ? 

Nous couvrons beaucoup d’applications IIoT, à commencer par la performance industrielle, ou maintenance, liée au TRS (Taux de Rendement Synthétique). L’objectif est de suivre attentivement cet indicateur afin de déterminer par exemple les causes des micro-arrêts et des baisses de cadence de certaines machines. La performance industrielle est importante car elle permet de relocaliser des entreprises en améliorant leur rentabilité et compétitivité. Nous sommes également portés sur les questions d’optimisation énergétique, un partenariat est d’ailleurs en train d’être monté avec la société Energiency qui mêle aussi ces enjeux avec l’aide de l’IA.

Quel est le cœur de cible d’Ewattch ? 

Nous visons tous types d’industriels, que ce soient des PME, ETI ou même les grands groupes comme Safran. Malgré la modernité qu’ils affichent, les grands industriels ont également des besoins car ces derniers possèdent des usines vieillissantes. 

Fabriquez-vous vos propres capteurs et quelle est leur utilité ? 

Tout est prototypé chez nous au sein de notre bureau d’études interne, nous développons nos capteurs puis nous sous-traitons leur fabrication en France pour les plus gros volumes. Rien d’étonnant puisque Ewattch est à l’origine une entreprise de R&D, j’ai été développeur de produits par le passé tout comme mon directeur technique. 

Nous avons développé des capteurs assez divers, capables de mesurer la température, l’humidité, le CO2, un signal électrique pour étudier la consommation…ou même plusieurs mesures à la fois grâce à notre capteur Tyness. Ce dernier dispose aussi de diverses fonctionnalités comme l’edge computing. Plusieurs machines industrielles de production peuvent faire l’objet d’une pose de nos capteurs comme des compresseurs, des groupes froids, des tableaux électriques ou encore des moteurs. Il s’agit de trouver le capteur le plus pertinent pour tel ou tel cas d’usage. 

Vous avez choisi le réseau low power LoRa pour la transmission des données. Pourquoi ce choix ? 

C’est un réseau Open Source, mondial et sécurisé. Ewattch fait aussi de l’infrastructure réseau 4G car il y a une certaine demande d’industriels intéressés. La 4G permet certes d’avoir un débit plus conséquent, entraînant un envoi plus massif de données, mais cela n’est pas si intéressant pour nous car nous souhaitons développer davantage de capteurs en edge computing en interne. Cet objectif à terme ne nécessiterait donc pas l’envoi de tonnes d’informations, seulement les plus pertinentes, c’est pour cela qu’un réseau bas débit LoRa ferait l’affaire. Ce réseau nous a forcés à repenser le fonctionnement de nos projets. 

Quelles sont les particularités de vos plateformes Ewattch Cloud, EasyVision et ProdConnect ? 

Ewattch Cloud est le socle de l’ensemble de nos solutions. C’est une plateforme IIoT qui va agglomérer et gérer, dans des tableaux de bord élaborés, toutes les données du parc de capteurs. 

La plateforme EasyVision permet de superviser des sites industriels, non pas à l’aide de tableaux de bords mais avec des plans dessinés en 3D. Ceci afin de mettre en avant la data d’une manière différente. 

Quant à ProdConnect, c’est une application mobile complémentaire pour enrichir, avec les opérateurs sur le terrain, les datas extrêmement pertinentes fournies par les capteurs.

L’opérateur se sent-il à l’aise à l’idée d’utiliser une plateforme ? 

Je dirais que les opérateurs ne sont pas forcément les plus intéressés par la plateforme et les capteurs. Nous devons d’abord leur expliquer que ces équipements ne servent non pas à surveiller leurs moindres faits et gestes, comme leur temps de pause par exemple, mais à recueillir les problèmes liés aux machines. L’acceptation de ces technologies est principalement liée à la politique et au management interne d’une entreprise. 

Votre “Kit machine 4.0” permet d’intégrer rapidement et simplement votre solution globale au sein d’une entreprise. Pouvez-vous m’en dire plus ? 

Oui, le but avec l’installation de ce “Kit machine 4.0” est d’intégrer rapidement les entreprises dans une démarche 4.0. Ce kit “prêt à l’emploi” comprend un capteur déjà relié à une plateforme EwattchCloud qui elle-même communique avec le réseau LoRa. Les tableaux de bords sont aussi préconfigurés. Les entreprises doivent donc seulement  brancher le tout à leurs outils industriels afin d’initier une stratégie 4.0. Le seul sujet qui pourrait être bloquant pour eux serait leur incapacité à exploiter les informations et à analyser les résultats. C’est précisément sur ce point que l’IA pourrait les aider afin d’accélérer leurs prises de décision. L’intelligence artificielle, dans l’idéal, pourrait leur envoyer des rapports automatiques avec des pistes d’amélioration. Un kit machine 4.0 dopé à l’IA permettrait alors d’aider les industriels à optimiser leur parc machine sur un laps de temps qu’ils n’ont pas au quotidien, comme c’est le cas avec les PME. 

Des résultats probants ont-ils été observés chez certains de vos clients ? 

Oui, notre solution a déjà pu faire ses preuves en déclenchant des économies d’énergie à hauteur de 20 à 25 %. Par exemple, un de nos clients avait oublié d’éteindre un chauffage d’atelier électrique, notre solution a immédiatement détecté une surconsommation et après analyse l’entreprise a pu trouver les moyens de rectifier à la baisse sa facture énergétique. Les industriels qui font appel à nous sont en mesure d’amortir notre solution en 6 mois, voire immédiatement après la détection de grands postes de consommation. 

À quel niveau de développement de l’IA êtes-vous ?  

Pour le moment, nos solutions se basent sur de l’algorithmie relativement simple. Nos data scientists et spécialistes IA analysent la meilleure intégration IA possible, que ce soit dans le capteur ou dans la plateforme. Nous créons aussi des jumeaux numériques par machine, le but étant de leur définir un fonctionnement type, optimal. Le jumeau est aussi une référence pour pouvoir mettre des alertes plus pertinentes et modéliser des structures plus complexes. 

Nous venons de réaliser une levée de fond qui nous permettra d’aller plus loin sur l’IA, notamment autour de l’edge computing et de la maintenance prédictive. De plus, nous avons déjà une quantité suffisante de données pour démarrer ces projets, nous ne partons pas de zéro. L’edge computing, ou le pré-traitement de datas directement dans le capteur, est un des enjeux liés à l’IA et permet de ne pas surcharger les data centers avec des volumes de données astronomiques. C’est aussi bénéfique pour sécuriser les données et faire une analyse pertinente de celles-ci.

Les capteurs fonctionnent avec des réseaux sans fil longue portée qui ont une latence à la minute ou toutes les deux minutes. Envoyer chacune des données sans pré-traitements préalables avec ce délai peut faire perdre l’essence même des datas.

Nous ne sommes pas en retard pour autant sur nos projets vis à vis de notre cible. Nous avons des clients qui ont déjà beaucoup de choses à faire avant de se plonger dans des réflexions autour de l’IA,  et nous sommes à leur côté. 

Est-ce que vous sentez un intérêt marqué de la part des PME pour se procurer ces solutions 4.0 ? 

Oui, nous constatons un engouement de la part des PME et PMI pour le 4.0 depuis un an, voire deux ans. Seulement, il ne s’agit pas de leur exposer tout de suite des projets 4.0 beaucoup trop éloignés de leurs usages, avec de l’IA par exemple et de l’edge computing. Le sujet de la performance énergétique revient de plus en plus sur la table. Avant la crise du Covid, ce n’était pourtant pas un sujet qui passionnait les industriels car leur facture énergétique était compensée par les ventes. Mais depuis cette crise, les dirigeants ont vu leurs ventes dégringoler et souhaitent donc désormais réduire, avant tout, leurs dépenses énergétiques. Des solutions IIoT comme les nôtres leur ont donc permis de satisfaire ces objectifs. 

Quel budget doit avoir une PME pour s’équiper avec vos solutions IIoT ? 

Il faut compter environ 1000 euros pour équiper une machine avec des capteurs multifonctions capables de réaliser une grande quantité de mesures. Quant à nos capteurs environnementaux, on se situe autour d’une centaine d’euros. C’est le ROI qui sera le plus intéressant pour les industriels plutôt que le prix initial. Il faut aussi compter l’abonnement à 7 euros par mois pour accéder aux tableaux de bord renseignant les données.

Enfin, proposez-vous des formations pour maîtriser ces nouveaux outils 4.0 ? 

Nos kits préconfigurés permettent de gagner du temps mais cela n’empêche pas de former des équipes au 4.0. Nous allons lancer la “Ewattch Academy” pour que des employés chargés de la maintenance soient formés à la mise en place de solutions IoT industrielles. Notre but est que nos clients sachent décider par eux-mêmes de quelles solutions IIoT ils ont besoin.

Retrouvez le témoignage de Nicolas Babel dans notre livre IA : La Révolution de l’Industrie 4.0, disponible en version papier et en numérique.