Quels scénarios prospectifs de l’empreinte environnementale du numérique à l’horizon 2030 et 2050 ?

Publié le 05 avril 2023
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La dernière version d’une étude1 rédigée par l’ADEME et l’Arcep consacrée à l’évaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050 vient d’être rendue au gouvernement. Plusieurs scénarios prospectifs sont proposés. Chacun d’entre eux identifient des leviers d’actions et des bonnes pratiques pour réduire l’impact de nos équipements numériques dès maintenant et dans les prochaines décennies. Décryptage.

État des lieux de l’empreinte environnementale du numérique

La fabrication des équipements tenue responsable à près de 80 %

Selon l’ADEME (l’Agence de la transition écologique) et l’Arcep (chargé des télécommunications), la fabrication des terminaux est responsable à hauteur de 78 % aujourd’hui de l’empreinte carbone du numérique. Tandis que l’utilisation des équipements (et donc leur consommation d’électricité), comprenant les réseaux et datacenters, compte pour 21 % des émissions du numérique.

Les terminaux (notamment les smartphones, téléviseurs et les ordinateurs portables ou fixes), de plus en plus puissants et polyvalents de nos jours, font en effet pression sur les ressources nécessaires à leur fabrication. L’extraction et l’assemblage des métaux concentrés dans ces appareils impliquent de déployer une gigantesque infrastructure minière et industrielle prélevant de façon croissante nos ressources terrestres2.

Nos usages numériques nécessitent l’utilisation de près d’une tonne de ressources par an et par personne

De plus, l’empreinte carbone du numérique est accentuée par la quantité de déchets (électriques et électroniques ainsi que les déchets liés à l’extraction de matières premières) générés par les usages numériques de chaque Français tous les ans. Soit près de 300 kilos de déchets selon l’étude, ce qui équivaudrait à 949 kg par an et par personne de ressources utilisées (matériaux, énergie fossile, biomasse, déplacements de terre et l’eau) pour concevoir nos équipements.

Les phénomènes d’obsolescence3 constatés dans les pays en développement provoquent des comportements de consommation « inflationnistes », qui expliquent cette explosion du volume de déchets. Le rapport indique d’ailleurs à ce sujet qu’une courte durée d’utilisation des terminaux (2 ans et demi pour les smartphones, et 3 ans pour les tablettes) a une forte influence sur leur empreinte environnementale.

Les scénarios prospectifs envisagés d’ici à 2030 et 2050

Un premier scénario « tendanciel », aux conséquences environnementales désastreuses

L’étude avance en premier lieu un scénario de référence, dit « tendanciel », qui projette les évolutions actuelles du numérique à l’horizon 2030 et 2050. En d’autres termes, ce scénario repose sur l’hypothèse que les tendances observées en ce moment, qu’il s’agisse d’une diminution ou d’une augmentation (comme un déploiement plus important de nouveaux équipements numériques pour répondre à la croissance des usages) de l’empreinte environnementale du numérique, se poursuivent.

Selon les projections de ce scénario tendanciel, élaborées par l’ADEME et l’Arcep, l’ensemble des impacts environnementaux liés au numérique (comprenant les ressources utilisées comme la biomasse mais aussi la consommation d’énergie finale, la consommation de métaux et minéraux, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre) afficheraient alors une forte croissance d’ici à 2030 et 2050. L’empreinte carbone serait par exemple quasiment multipliée par trois d’ici 2050.

Des scénarios alternatifs au scénario tendanciel, visant une neutralité carbone du numérique

En route vers des mesures d’éco-conception d’ici à 2030 ?

L’ADEME et l’Arcep ont identifié trois types de scénarios alternatifs visant à réduire l’empreinte du numérique à l’horizon 2030 : un scénario dit « d’éco-conception modéré », un scénario « d’éco-conception généralisé » et un scénario « de sobriété ». Chacun d’entre eux se distinguent d’un scénario tendanciel de par les leviers d’actions qu’ils envisagent de mettre en place hypothétiquement :

  • Allonger la durée de vie des équipements de 1 ou 2 ans en procédant à leur éco-conception, réparation ou par le biais d’un usage plus sobre du numérique ;
  • Limiter le nombre d’équipements grâce à un usage modéré du numérique, en ayant recours à des produits reconditionnés ou à une mutualisation des appareils ;
  • Substituer progressivement les équipements les plus impactants en termes de ressources environnementales. Cela peut passer par une baisse du parc des téléviseurs au profit des vidéoprojecteurs par exemple, ou encore par une diminution de la taille des écrans des téléviseurs ou des ordinateurs.
Qu’est-ce que l’éco-conception de services numériques ?

L’éco-conception de services numériques vise à intégrer constamment des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes). L’objectif : réduire les impacts environnementaux tout au long du cycle de vie du produit, à service rendu équivalent ou supérieur. Pour qu’une stratégie d’éco-conception puisse fonctionner, il est par conséquent nécessaire de repenser nos modes de production de biens et services en ayant systématiquement à l’esprit la minimisation de leurs impacts environnementaux.

Choisir entre des « technologies réparatrices » ou une sobriété soutenue d’ici à 2050

L’ADEME et l’Arcep proposent d’autres scénarios à l’horizon 2050 basés cette fois-ci « sur des choix de société marqués » : les scénarios « Génération frugale » et « Coopérations territoriales » qui soumettraient le secteur du numérique, tout comme le reste de l’économie, à des actions importantes de sobriété. Et les scénarios « Technologies vertes » et « Pari réparateur » qui « font l’hypothèse d’une croissance plus ou moins forte du numérique et comptent sur les effets positifs indirects de nouvelles technologies sur d’autres secteurs d’activité pour compenser la progression des émissions ». Le Smart Building promet par exemple d’optimiser la consommation énergétique des systèmes de chauffage, ventilation et climatisation.

Un besoin de « changements importants de nos sociétés » : seule issue pour atteindre une neutralité carbone du numérique

Les auteurs de l’étude concluent que ces différents scénarios alternatifs, envisagés à l’horizon 2030 et 2050, impliquent des changements considérables de nos sociétés. Cela concerne la recherche et le développement, l’évolution des produits et services, les modes de consommation, la fabrication ou encore les bonnes pratiques venant des utilisateurs. À l’instar de ces derniers, les fabricants de terminaux et les opérateurs de réseaux et des data centers ont aussi leur part de responsabilité pour tenter de parvenir à une neutralité carbone du numérique dans les prochaines décennies.

En savoir plus sur l’étude complète de l’ADEME – Arcep : évaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050, Mars 2023.

Pour aller plus loin, retrouvez notre série d’articles en lien avec la sobriété numérique :

Sources :

1 – Évaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050, ADEME – Arcep, Mars 2023.

2 – Saison Brune 2.0 (nos empreinte digitales), Philippe Squarzoni, 2022.

3 –  Pour un numérique soutenable, ARCEP, 2020.