E-commerce : stratégie, outils et bonnes pratiques pour réussir à l'international (Partie 1/2)

Publié le 04 novembre 2025
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D’après une étude de la Fevad, les e-commerçants français misent sur le développement à l’international, c’est même une priorité pour 46 % d’entre eux. 73 % sont d’ailleurs déjà présents sur le marché européen, tout particulièrement en Belgique, en Espagne ou encore en Allemagne.[1] Toutefois un e-commerce ne peut se lancer sur des marchés extérieurs sans une stratégie solide, et c’est précisément ce que nous allons décrypter dans cette série de deux articles, grâce à nos intervenants : Émilie Mottier, responsable du développement client chez Shippingbo, et Pablo Gasnier, directeur du développement pour le e-commerce Lyophilise & Co.

 

À l’heure où la concurrence en ligne devient de plus en plus dense et où les marchés nationaux atteignent parfois un certain seuil de saturation, l’internationalisation s’impose comme un choix stratégique évident pour les sites e-commerce. Étendre ses activités au-delà de ses frontières permet non seulement de favoriser une croissance durable en diversifiant ses sources de revenus, mais aussi de réduire sa dépendance à un seul marché. En Europe, la France tient la deuxième place du marché du commerce en ligne avec 159,9 milliards d’euros, elle reste néanmoins loin derrière du Royaume-Uni qui génère 480 milliards de chiffre d’affaires.[2]

Mais cette ambition comporte aussi son lot de défis. L’internationalisation d’un site e-commerce ne se résume pas à une simple traduction des pages ou à l’ajout d’une devise étrangère. Les différences culturelles, les attentes des consommateurs, les contraintes juridiques, fiscales, ou encore logistiques sont autant de paramètres à intégrer pour garantir une implantation réussie. Une démarche mal préparée peut engendrer des coûts importants et une image de marque dégradée à l’étranger. C’est pourquoi il est indispensable d’adopter une approche structurée, à la fois stratégique et technique, pour augmenter vos chances de succès.

L’internationalisation est-elle pertinente pour mon e-commerce ?

Avant de se lancer dans une stratégie d’expansion internationale, il est essentiel de prendre du recul sur sa situation actuelle. Tous les e-commerces ne sont pas forcément prêts à franchir ce cap, et une internationalisation prématurée ou mal ciblée risque de devenir un gouffre financier. Émilie Mottier, responsable du développement client chez le spécialiste français de la logistique pour le e-commerce, Shippingbo, conseille d’avoir déjà une activité solide et bien maîtrisée sur son marché avant de tenter de se développer à l’étranger :

Cela peut paraître évident, mais si l’activité nationale est encore fragile ou instable, ce n’est pas une bonne idée de s’ajouter le challenge d’aller à l’international. Tant que le e-commerçant rencontre encore des frictions ou des dysfonctionnements en local, il faut d’abord les résoudre avant de penser à s’implanter ailleurs. Le socle logistique, en particulier, doit être parfaitement rodé. Si aujourd’hui on est capable de gérer 100 commandes par jour, mais que ça bloque dès qu’on dépasse les 250, alors on n’est pas prêt, on va très vite être dépassé. Il faut être capable d’absorber une montée en charge sans dérailler.
Ensuite, il me semble essentiel de s’entourer des bons partenaires. On ne peut pas tout faire seul dans son garage, comme on dit. Il existe aujourd’hui tout un écosystème d’acteurs spécialisés qui peuvent accompagner efficacement ce type de projet. Se lancer à l’international reste complexe, et cela nécessite des expertises spécifiques à mon avis.

Émilie Mottier, responsable du développement client chez Shippingbo

Le conseil d’Émilie Mottier trouve un écho dans le retour d’expérience du e-commerçant Lyophilise & Co, que nous partage son directeur du développement, Pablo Gasnier :

Le marché sur lequel évolue Lyophilise & Co est un marché de niche, très spécialisé, mais en plein développement. L’entreprise, fondée en 2010 par Ariane Pehrson​, a rapidement structuré sa présence en ligne avec une refonte du site en 2012. Trois ans plus tard, en 2015, elle lance ses premiers tests à l’international, notamment en Angleterre et en Espagne. Il ne s’agissait pas encore d’une stratégie d’expansion ambitieuse, mais plutôt d’une phase exploratoire, destinée à observer le potentiel du marché hors de France.
En 2023, Lyophilise & Co avait changé de dimension, elle était devenue la référence française dans son domaine — la marque de repas lyophilisés à laquelle pensent spontanément les randonneurs expérimentés. Avec une structure solide et un chiffre d’affaires à plus 4 millions d’euros, l’entreprise a investi dans un nouvel entrepôt et s’est réorganisée pour soutenir sa croissance. Parallèlement, le marché évoluait : les repas lyophilisés commençaient à séduire un public plus large, au-delà des ultra-spécialistes (sans pour autant devenir un produit grand public). Dans ce contexte, plusieurs options s’offraient à Lyophilise & Co pour continuer à se développer : élargir sa gamme de produits, ou bien étendre son rayonnement géographique. C’est cette seconde voie qui a été retenue pour consolider son positionnement de leader du repas lyophilisé à l’échelle européenne. L’entreprise a alors relancé son développement international, cette fois-ci avec une stratégie structurée : un business plan précis, des recrutements ciblés et des moyens adaptés à ses ambitions.

Pablo Gasnier, directeur du développement de Lyophilise & Co

Un chiffre d’affaires régulier, stable, une rentabilité maîtrisée restent la base avant de s’implanter sur d’autres marchés. Cette robustesse est indispensable pour supporter les investissements que demandent l’internationalisation de son e-commerce : renforcement de la logistique, développements techniques pour son site, recrutement d’une équipe dédiée, etc.

Dès lors que vous pouvez répondre par l’affirmative à la question suivante — suis-je prêt à soutenir une croissance à l’international sans fragiliser mes opérations actuelles ? — il est temps d’identifier les marchés les plus pertinents à conquérir en premier.

Quels marchés cibler en premier ?

Tous les pays ne présentent pas les mêmes opportunités, ni les mêmes obstacles. Il ne s’agit pas simplement de viser les marchés les plus peuplés ou les plus riches, mais de trouver ceux qui correspondent à votre offre, votre capacité logistique et votre ADN de marque. Est-ce qu’il sera plus judicieux pour vous de commencer par des marchés géographiquement proches ? Oui, pour éviter des délais allongés, des sur-coûts logistiques, un changement de devise ou encore les problématiques de droits de douanes qui pèsent lourdement sur les exportations en ce moment. Faut-il miser sur des similarités culturelles ? Par exemple, exporter dans un pays francophone pour éviter les frais de traduction… Ou est-ce que miser sur un pays avec peu ou pas de concurrence sur votre offre est plus malin ? Le marché sera moins saturé donc il y aura peut-être plus d’opportunités. C’est pourquoi il est essentiel de commencer par une vraie étude de marché en amont, pour bien comprendre les opportunités, la concurrence, les attentes locales, et ainsi choisir le bon positionnement dès le départ.

Bien entendu, il existe des études de marché sur lesquelles se baser mais comme en témoigne Pablo Gasnier, lorsque son offre cible un marché de niche, ces études ont une portée limitée et une enquête de terrain est indispensable :

Les études disponibles sur le marché du lyophilisé restent assez globales : elles décrivent les grandes tendances du secteur, mais ne permettent pas d’avoir une vision fine de notre niche. Cela nous a permis de confirmer certains grands axes, sans pour autant nous donner d’indications précises sur nos marchés cibles. Ces analyses montraient par exemple que le secteur outdoor se développait fortement à l’échelle européenne, et que la consommation de repas lyophilisés connaissait une croissance notable dans les pays occidentaux. C’est une nouvelle manière de consommer déjà bien ancrée aux États-Unis, et qui prend des formes différentes selon les régions : plus orientée “survie” dans les pays de l’Est, plus tournée vers le sport et l’aventure dans les pays d’Europe de l’Ouest. Ces tendances de fond nous ont été utiles, mais elles restaient trop générales.
Nous avons donc adopté une approche plus concrète et pragmatique. L’idée a été d’identifier, pays par pays, les acteurs déjà présents sur le marché : ceux qui vendaient nos produits ou des produits similaires. Pour cela, nous avons mené un vrai travail de terrain numérique — en recherchant sur Google, dans la langue locale et sur les moteurs de recherche nationaux, afin de repérer les sites, les distributeurs et les marques actives. Ce n’était donc pas une étude de marché au sens académique du terme, mais plutôt une analyse concurrentielle ciblée, plus adaptée à la taille et à la nature de notre activité.
Enfin, il faut ajouter que cette ouverture européenne était assez naturelle pour nous. Ariane Pehrson, notre dirigeante, est d’origine suédoise, cette dimension internationale fait partie de l’ADN de l’entreprise depuis le départ. Par ailleurs, plus de 80 % de nos 150 fournisseurs sont basés hors de France. Nous étions donc déjà en contact étroit avec des acteurs européens, ce qui nous a donné une bonne compréhension des marchés voisins et a facilité notre expansion.

Pablo Gasnier, Directeur du développement de Lyophilise & Co

Pour compléter le propos de Pablo Gasnier, voici quelques outils pour collecter rapidement des données fiables sur les marchés étrangers :

  • Google Market Finder : identifie les pays où il existe une forte demande pour vos produits.
  • Statista : base de données statistiques sur les habitudes d’achat, la croissance du e-commerce, les préférences consommateurs.
  • Eurostat, OCDE, Banque mondiale, ou encore les chambres de commerce locales : des sources utiles pour croiser données économiques et tendances numériques.

Avant de se lancer à l’international, il faut valider sa capacité actuelle à supporter une expansion, et ensuite cibler les marchés les plus pertinents selon une logique pragmatique et progressive. Un bon ciblage initial limite les risques et maximise les chances de succès. Encore faut-il adopter la stratégie la plus adaptée à son e-commerce.

Quels choix stratégiques pour étendre son e-commerce à l’international ?

Passer à l’international ne se résume pas à ouvrir quelques options supplémentaires dans un back-office. C’est une véritable décision stratégique, qui engage des ressources humaines, financières, techniques, mais aussi une vision de long terme. La réussite d’une expansion repose d’abord sur un choix réfléchi du mode d’entrée sur les marchés étrangers, une adaptation rigoureuse de l’offre aux réalités locales et une stratégie marketing qui prend en compte les spécificités culturelles et comportementales de chaque pays.

Entrer sur un marché sur la pointe des pieds ou sur les chapeaux de roues ?

La première grande décision à prendre concerne le canal par lequel l’entreprise souhaite s’implanter sur un nouveau territoire.

Tester ses produits sur les marketplaces à l’étranger

Selon Émilie Mottier, pour démarrer sans trop investir au départ, passer par des marketplaces déjà implantées dans les pays visés est une solution économiquement raisonnable. Qu’il s’agisse d’Amazon, Rakuten, Cdiscount, Allegro ou encore Lazada, ces plateformes offrent un accès immédiat à une base de clients existante, un système de paiement intégré et des outils logistiques déjà rodés.

Cela permet de tester un marché sans avoir à investir massivement d’entrée de jeu. Par exemple, on peut y référencer un ou deux produits pour commencer, et observer la réaction du marché. Si on voit que les commandes tombent rapidement, c’est un bon indicateur qui prouve que le pays est pertinent pour son offre.
On pourrait se dire que les commissions des marketplaces sont élevées, mais en réalité, si on compare avec le coût d’une implantation directe — création d’un site localisé, SEO, prestataire sur place, logistique dédiée, etc. — l’investissement est similaire, voire parfois supérieur. Avec une marketplace, on gagne du temps et on accède tout de suite à une audience locale. De plus, il existe aujourd’hui beaucoup de spécialistes capables d’accompagner les e-commerçants sur les marketplaces : traduction des fiches produits, adaptation culturelle (par exemple, les codes couleur peuvent varier selon les pays), mise en page optimisée, etc. C’est donc une manière rapide et peu risquée de tester un marché. Et selon les résultats, les e-commerçants ajusteront ensuite leur stratégie : Si ça fonctionne, ils peuvent envisager de créer leur propre site en langue locale, travailler le référencement et développer leur présence en direct.
Il est aussi tout à fait possible d’opter pour une stratégie hybride, comme ce que font beaucoup de nos clients : laisser quelques produits sur la marketplace comme produits d’appel, tout en redirigeant progressivement le trafic vers leur site où les clients trouveront l’ensemble du catalogue.

Émilie Mottier, responsable du développement client chez Shippingbo

Cependant, en dehors des frais de commission qui ne sont tout de même pas négligeable, mettre ses produits sur des marketplaces implique aussi une perte partielle de contrôle sur l’image de marque de ses produits et une dépendance vis-à-vis des règles de la plateforme.

Vendre directement depuis son e-commerce

Si vous avez les moyens de vos ambitions, le modèle le plus direct consiste donc à vendre via son propre site e-commerce, en y intégrant des options de livraison internationales, des devises multiples et des contenus localisés. Cette méthode vous offre l’avantage de conserver un contrôle total sur la marque, l’expérience client, les marges, ainsi que la relation directe avec les consommateurs. Toutefois, elle nécessite une infrastructure solide, notamment en matière de logistique, de SAV et de marketing digital.

Une troisième voie consiste à s’associer à des partenaires locaux ou à opter pour le dropshipping international. Dans ce cas, l’entreprise peut externaliser certaines fonctions, comme la distribution ou le stockage, voire s’appuyer sur un réseau de revendeurs. Ce modèle réduit l’investissement initial, mais nécessite un bon encadrement contractuel et une vigilance accrue sur la qualité de service livrée aux clients.

Non, il ne suffit pas de traduire son site pour s’implanter efficacement sur un marché étranger

Une fois le mode d’entrée défini, et particulièrement si vous faites le choix de garder la maîtrise de vos produits sur votre site e-commerce, une adaptation de votre offre au marché local est une étape majeure. Une simple traduction de son site web n’est évidemment pas suffisante. Il s’agit d’effectuer un travail de fond sur la langue, le ton, les références culturelles, les formats de date et d’heure, les unités de mesure, les visuels, et l’ensemble de l’expérience utilisateur. Pablo Gasnier confirme l’importance de fournir ce travail pour aller au-delà de la traduction littérale susceptible de créer de la confusion ou du rejet, tandis qu’un message parfaitement adapté renforcera la confiance du consommateur :

Chez Lyophilise & Co, nous distinguons deux grands univers produits : l’univers de la randonnée et de l’outdoor, qui reste notre cœur de marché ; et l’univers de la préparation et de la gestion de crise, parfois appelé “survie”, qui s’adresse davantage aux professionnels ou aux particuliers souhaitant anticiper des situations d’urgence (inondations, coupures de courant, catastrophes, etc.). Ces deux univers coexistent, mais leur poids varie selon les pays. Par exemple, dans les pays d’Europe de l’Est, l’intérêt pour les produits liés à la préparation ou à la survie est particulièrement fort, notamment dans le contexte géopolitique récent.  En Espagne, les deux univers progressent en parallèle : la pratique de la randonnée s’y développe rapidement, alors qu’elle restait plus limitée il y a encore une dizaine d’années. En même temps, les épisodes de catastrophes naturelles et de pannes d’électricité ponctuelles ont entraîné des pics de demande pour les kits de survie et les réserves alimentaires. L’Allemagne, de son côté, fonctionne de manière très différente. Les Allemands sont de grands amateurs de nature et de plein air, mais leur pratique est plus “organisée” : les bivouacs sauvages y sont rares, souvent interdits, et les séjours se font plutôt dans des zones aménagées ou en camping. Cela influence naturellement la demande : nos repas lyophilisés, pensés pour des conditions plus “sauvages”, y trouvent un usage différent, ce qui ouvre d’autres pistes d’adaptation produit.
Ces différences culturelles et pratiques nous ont beaucoup appris. Au départ, nous pensions qu’un randonneur était un randonneur, quel que soit son pays. En réalité, chaque marché européen a ses spécificités — parfois subtiles — qui influencent directement les usages et les attentes vis-à-vis de nos produits.

Pablo Gasnier, Directeur du développement de Lyophilise & Co

La politique tarifaire doit elle aussi être ajustée. Il convient de prendre en compte le pouvoir d’achat local, les seuils psychologiques de prix, mais également les coûts supplémentaires liés à l’export, comme les frais de douane ou les taxes spécifiques. Dans certains cas, une politique de prix différenciée s’avère incontournable pour rester compétitif sans nuire à ses marges.

Le catalogue produit doit aussi faire l’objet d’un tri sélectif. Tous les articles vendus dans le pays d’origine ne sont pas nécessairement pertinents, autorisés ou attractifs dans un autre marché. Il faut prendre en compte les goûts locaux, les normes légales, les habitudes de consommation et, parfois, les saisons inversées. L’entreprise doit donc établir une sélection pertinente et éventuellement adapter ses fiches produits, ses packs ou son positionnement.

Il est aussi pertinent de localiser la publicité en ligne. Une campagne Google Ads peut être géolocalisée, traduite, voire réécrite pour répondre aux attentes culturelles. Sur les réseaux sociaux, il est préférable de créer des comptes spécifiques pour chaque langue ou pays, avec des contenus pensés pour le public cible, en termes de style, de formats, de sujets et de calendrier. Collaborer avec des influenceurs locaux, même de petite audience, augmentera considérablement vos chances d’être reconnu et crédible dans le pays concerné. Il est également nécessaire de faire très attention aux actualités et traditions du pays pour adapter ses posts sur les réseaux sociaux, afin d’éviter les impairs et construire durablement une belle image à l’étranger.

Dans la partie 2 de cet article, découvrez comment préparer concrêtement votre e-commerce pour passer à l’international en suivant ce lien.


Sources :

1. https://www.ecommercemag.fr/Thematique/etudes-1273/Breves/etude-fevad-e-commerce-optimisme-defis-reveles-468733.htm

2. https://independant.io/statistiques-tendances-e-commerce/

3. https://tool-advisor.fr/blog/moteur-de-recherche/

4. https://www.ecommerce-nation.fr/moyens-de-paiement-monde/