Comment lier transition énergétique et transition numérique ?
Dans le cadre de nos recherches pour le livre blanc Intelligence Artificielle et Protection de l’environnement, nous avons étudié la vision de nombreux auteurs et notamment celle d’Éric Vidalenc, à travers son ouvrage intitulé Pour une écologie numérique, aux éditions Les Petits Matins.
Synthétique et très instructif, le livre d’Éric Vidalenc donne des pistes concrètes pour faire coïncider la transition énergétique et la transition numérique. Son analyse se positionne sur une voie du milieu entre le « tout numérique » solutionnant n’importe quel problème, et une marche arrière radicale sur l’innovation technologique, qui semble par ailleurs peu réaliste. Spécialiste des questions énergétiques, l’auteur voit dans le numérique une véritable opportunité d’accélérer le mouvement vers une société plus verte, encore faut-il trouver le bon équilibre et mettre réellement le numérique au service du développement durable.
Trouver un sens écologique au déploiement du numérique
Éric Vidalenc commence son essai par une différence fondamentale entre la notion de transition énergétique et la notion de transition numérique, la première étant un passage obligé pour préserver notre planète et ses ressources indispensables à notre survie, la deuxième étant un choix de société. En effet, selon l’auteur, rien ne nous oblige à acheter des objets connectés si ce n’est notre besoin croissant de confort et des choix politiques qui poussent en avant le secteur du numérique pour son intérêt économique.
De nombreuses applications numériques favorisent les économies d’énergies : les maisons intelligentes qui réduisent la dépense d’énergie des foyers, l’agriculture connectée qui permettrait d’économiser de l’eau et de réduire la consommation de pesticides, sans oublier les smart city et autres voitures électriques, etc… Mais Éric Vidalenc met aussi en garde contre la face plus sombre de cette explosion du numérique qui provoque de gros dégâts environnementaux : déchets électroniques non recyclés, ressources naturelles et terres rares qui s’épuisent pour la fabrication d’objets connectées ou encore datacenters énergivores qui ne cessent d’enfler. Pour Éric Vidalenc, il y a donc une réflexion à avoir afin d’utiliser le numérique de manière plus éco-responsable en limitant cet effet rebond par davantage de sobriété technologique. Le déploiement du numérique tout azimut est un vrai danger pour l’environnement, il faudrait donc changer de cap en allant vers un usage du numérique plus vertueux.
Les pistes pour un numérique cohérent avec la transition énergétique
Dans son livre, Éric Vidalenc donne cinq axes principaux : le premier consistant à ne pas se laisser envahir par un numérique useless avec un but principalement mercantile. Savoir se passer du numérique lorsqu’il le faut, savoir choisir une solution low tech quand elle s’avère être la plus efficace, nous permettrait aussi de limiter notre dépendance, et par conséquent notre vulnérabilité en cas de défaillance de la technologie sur laquelle on se repose habituellement.
Le deuxième axe serait de rendre visible l’invisible. En effet, la supposée immatérialité du numérique nous faire croire qu’il n’a aucun effet sur l’environnement, mais ce côté virtuel est un leurre qui pourrait en partie être évité par des actions simples, comme, entre autres, instaurer des systèmes d’alarme nous permettant de voir et donc de réduire notre consommation énergétique due au numérique.
Une troisième piste passerait par une plus grande efficience du numérique, en dégraissant sites internet et applications énergivores mal conçus au départ, mais aussi en changeant le fonctionnement de nos appareils connectés qui adopteraient de nouvelles normes plus économes en énergie.
La quatrième idée serait de faire durer le plus possible nos objets connectés, en luttant contre l’obsolescence programmée, en réparant ce qui peut l’être, et améliorant ensuite le recyclage des appareils inutilisables.
Enfin le dernier axe exposé passe par la transparence des logiciels afin de les rendre intelligibles par tous et ainsi éviter, d’une part la tricherie sur les empreintes carbones comme ce fût le cas dans le secteur automobile il y a quelques années, et d’autre part de savoir quelles mises à jour vont alourdir nos systèmes ou au contraire les rendre plus performants.
Comment se servir du numérique à bon escient ?
Éric Vidalenc prône un usage du numérique davantage contrôlé par l’humain et non l’inverse. Autrement dit, l’auteur appelle à une prise de conscience sur le fait que le numérique ne peut pas se substituer aux décisions humaines, pour lui, un algorithme se base sur des calculs froids dénués de conscience morale, il doit donc être considéré pour ce qu’il est : un outil au service de l’humain.
Il n’est évidemment pas souhaitable de se passer d’un outil aussi utile mais simplement de s’en servir de manière plus réfléchie. Pour commencer, il faudrait entamer une réflexion en amont pour effectuer les modifications structurelles qui permettraient un meilleur usage des outils numériques. Des changements profonds qui accompagneraient des pratiques n’ayant pas aujourd’hui les effets positifs escomptés sur l’environnement. En résumé, il ne faut pas laisser se déployer le numérique sans l’accompagner par des réformes qui boosteront ses effets positifs et limiteront l’effet rebond. Pour Éric Vidalenc, il faudrait également mutualiser les informations qui nous sont données par les outils numériques pour trouver des solutions à des problèmes réellement importants comme les économies d’énergies.
Terminons sur les idées principales délivrées par l’essai Pour une écologie numérique, en évoquant la piste d’un numérique qui adopterait une approche réellement collective. Le numérique ne serait alors plus un outil qui entraîne l’individualisation de la population, mais au contraire un outil qui crée du lien social, de la collaboration, et fait émerger des idées novatrices.