Écoconception et accessibilité, un duo indissociable 

Selon les chiffres du baromètre du numérique de l’Arcep (2021)¹, 1 Français sur 2 a des difficultés à utiliser le numérique et 39% des Français ont seulement une connexion ADSL (pas de fibre), ce qui implique une lenteur voire une impossibilité de charger des pages et/ ou fonctionnalités gourmandes en calcul. La fracture numérique est donc évidente. Garantir des sites accessibles et frugaux est une piste à explorer pour limiter cette disparité et l’inégalité d’accès aux services numériques. Outre la résolution de la fracture numérique, réduire l’impact environnemental du secteur numérique est un engagement important pour enrayer la pollution exponentielle qu’elle engendre. Si le numérique poursuit sur la voie actuelle, l’ADEME et l’Arcep prévoient que son empreinte carbone mondiale (aujourd’hui à 4 % environ) serait quasiment multipliée par trois d’ici 2050. On sait que 78 % de l’empreinte carbone du numérique provient de la fabrication des terminaux, c’est pourquoi l’écoconception web est une réponse non négligeable dans la perspective d’un prolongement de la durée de vie de nos ordinateurs, tablettes et autres smartphones. Mais il est important de ne jamais décorréler l’écoconception de l’accessibilité des services web. Le numérique responsable va en effet au-delà des engagements environnementaux en intégrant également la dimension de l’inclusivité comme un pilier essentiel. C’est pour cette raison désormais que l’on parle de plus en plus d’éco-socio-conception.

Les défis et perspectives de l’éco-socio-conception numérique

Le défi actuel est de concevoir un numérique soutenable dans un contexte où « avec six limites franchies sur neuf, la planète se trouve aujourd’hui bien au-delà de l’espace de fonctionnement sûr pour l’humanité »². L’éco-conception et l’accessibilité numérique, en limitant le superflu, invitent à des interfaces épurées. Ces interfaces épurées sont moins gourmandes en calculs et moins lourdes à charger. Cela peut influer positivement sur un moindre renouvellement des terminaux en retardant l’obsolescence perçue (du fait des lenteurs du terminal par exemple). En limitant la quantité de ressources informatiques nécessaires (comme la puissance des terminaux ou la bande passante utilisée), nous contribuons in fine à préserver les ressources naturelles et à réduire l’empreinte écologique du numérique.

Cependant pour transformer véritablement notre industrie numérique, l’écoconception doit évoluer au-delà de l’optimisation technique. L’enjeu est d’atteindre nos objectifs de décarbonisation et donc de questionner nos usages jusqu’à repenser notre modèle économique.

On distingue quatre niveaux de maturité dans l’éco-socio-conception.³

• Niveau 1 : Implémenter des bonnes pratiques, notamment d’optimisations techniques, par exemple l’optimisation des requêtes SQL pour réduire la consommation de ressources serveur, ou encore la compression et l’optimisation des images pour diminuer la charge des pages web.
• Niveau 2 : Optimiser les parcours utilisateurs (et donc les simplifier) en réduisant par exemple le nombre d’étapes nécessaires à la réalisation d’une action, et rationaliser l’architecture technique afin de diminuer la consommation énergétique.
• Niveau 3 : Repenser la réponse au besoin, ce qui implique une réflexion plus globale sur l’apport de la solution au regard de ses coûts environnementaux et sociaux. Cela peut se traduire, dans le cadre d’un site e-commerce, par une révision des parcours d’achat afin de rendre la recherche de produits plus intuitive et efficace.
• Niveau 4 : Remettre en cause le modèle économique de l’organisation dans laquelle s’insère le produit ou service numérique. Dans ce cadre, il est possible d’analyser les impacts qu’a un service sur l’utilisateur. Pour reprendre l’exemple du site e-commerce, on peut penser aux différents mécanismes de captation de l’attention visant à des achats toujours plus nombreux. 

Comment se traduit l’accessibilité dans le numérique ?

En conservant la dimension de l’écoconception à l’esprit, envisageons à présent l’aspect accessibilité, et comment elle s’applique dans la conception de services et produits web. En sachant que « 50% des actifs seront touchés par une situation de handicap au cours de leur vie⁴ », il semble évident que garantir l’accessibilité numérique est une démarche qui va au-delà du simple respect des normes légales. C’est avant tout un engagement déontologique afin de donner la possibilité à chacun d’accéder facilement aux informations et aux fonctionnalités en ligne. Prendre en compte l’accessibilité lors de la conception de son produit ou service contribue à rendre le numérique plus inclusif et équitable. 

Les quatre types d’accessibilité

L’accessibilité numérique est composée de 4 types d’accessibilité : visuelle, motrice, cognitive et auditive.⁵ 

L’accessibilité visuelle implique de concevoir des interfaces utilisables et compréhensibles par des personnes malvoyantes ou aveugles. La description textuelle des images, des contrastes élevés et des tailles de texte suffisamment grandes sont quelques éléments essentiels pour garantir l’accessibilité visuelle.

L’accessibilité motrice se concentre sur la facilité avec laquelle les utilisateurs peuvent naviguer sur une interface, qu’ils utilisent un clavier, une souris ou un lecteur d’écran. Afin de s’assurer de l’accessibilité motrice d’un produit ou service numérique, il est indispensable de rendre les éléments interactifs suffisamment grands (pour que ceux-ci soient cliquables / touchables facilement quel que soit le dispositif de navigation utilisé).

L’accessibilité cognitive s’assure que les personnes ayant des difficultés cognitives et/ou une expérience limitée de la technologie puissent utiliser le service numérique. Pour cela, il est nécessaire d’adopter un langage clair et concis et d’organiser le contenu de manière logique. Il est également important de simplifier les interfaces afin de minimiser les distractions lors de l’accomplissement d’une tâche.

Enfin, l’accessibilité auditive implique de fournir des alternatives pour les contenus audio, tels que des sous-titres pour les vidéos et des transcriptions pour les contenus audios. Il est également impératif de donner la possibilité aux utilisateurs de contrôler le volume sonore et d’ajuster les paramètres audio et vidéo.

Comment associer écoconception et accessibilité ?

L’écoconception et l’accessibilité numérique sont liées par l’objectif commun de créer des produits et services numériques qui bénéficient à l’ensemble de la société tout en minimisant leur impact sur l’environnement. En optant pour une démarche intégrant ces deux composantes, il est alors possible de concevoir des solutions durables pour l’environnement et inclusives socialement.

Intégrer l’écoconception et l’accessibilité dès le lancement du projet

Éco-socio-concevoir un produit ou un service numérique accessible à toutes et tous nécessite d’intégrer les bonnes pratiques dès la rédaction du cahier des charges, puis lors des phases de développement et d’audit, et enfin tout au long du cycle de vie du projet. De cette manière, nous nous assurons que ce que nous produisons réponde aux besoins de tous les utilisateurs dans le respect des bonnes pratiques de l’écoconception.⁶

Quelques bonnes pratiques pour écoconcevoir un site accessible

Simplifier les parcours utilisateurs : plus les utilisateurs accéderons rapidement à ce qu’ils recherchent, moins l’utilisation du service générera de consommation de ressources. Des parcours utilisateurs simples assurent aussi que le site respecte les bonnes pratiques d’accessibilité.

Rationaliser les fonctionnalités en plaçant l’utilisateur au cœur de la conception : en limitant les fonctionnalités superflues, nous limitons l’impact environnemental du produit ou service numérique que nous concevons. Moins de fonctionnalités, c’est aussi limiter les distractions de l’utilisateur lorsqu’il réalise des actions sur le site. Cette rationalisation limite (dans une certaine mesure) le renouvellement des terminaux en réduisant la puissance et le débit nécessaire pour utiliser le service numérique.

Promouvoir une sobriété éditoriale : Revenir à l’essentiel en évitant de submerger l’utilisateur d’informations contribue à l’accessibilité numérique. Coté éco-conception, cela évite le chargement d’éléments qui ne sont pas utiles à l’utilisateur dans ce contexte.

L’écoconception et l’accessibilité : un engagement pour un avenir durable et inclusif

En adoptant une approche intégrée (aujourd’hui qualifiée avec la terminologie d’éco-socio-conception), il est possible de créer des solutions numériques qui soient à la fois écologiquement soutenables et socialement inclusives. En veillant à ce que nos produits et services numériques soient accessibles à tous, nous contribuons à la construction d’un avenir plus durable et plus équitable pour tous.

Labellisée Numérique Responsable depuis 2021, OpenStudio s’engage dans cette démarche  en produisant notamment des services ou produits écoconcus et accessibles, et propose également des audits numérique responsable.

Sources :

1. https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-barometre-numerique-edition-2021.pdf

2. https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/societe/article/limites-planetaires

3. Atelier – Aller au delà de l’optimisation vers une réelle Ecoconception par Margaux Escande IT’s On Us / GreenIT et Anne Faubry Designers Ethiques (PDF)

4. https://www.education.gouv.fr/handicap-tous-concernes-99935

5. https://accessibilite.numerique.gouv.fr/methode/criteres-et-tests/

6. Ecoconception de sites web publics accessibles, cas pratiques Simon Vandaele & Nathalie Suze https://peertube.designersethiques.org/w/mmMuqFbBGxVvrw2mvD78Yv